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Conformité des avantages catégoriels conventionnels : la parole restera aux partenaires sociaux !

Publié le 21/06/2017 à 07:45, modifié le 16/08/2017 à 15:04 dans Négociations collectives.

Temps de lecture : 6 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Si la Cour de cassation a admis que puissent être appliqués des avantages conventionnels différenciés entre catégories professionnelles ou, entre salariés d’une même catégorie exerçant les mêmes fonctions, certaines pratiques ont la vie dure.

Conformité des avantages catégoriels conventionnels : une reconnaissance progressive

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer, au fil du temps, sur la régularité des avantages catégoriels de nature conventionnelle entre salariés et ce, eu égard au principe d’égalité de traitement.

Si sa jurisprudence semble aujourd’hui stabilisée, cela n’a pas toujours été le cas.

En effet, plusieurs arrêts majeurs sont à retenir :

  • Cass. soc., n° 07–42.675 en date du 1er juillet 2009 : dans cette affaire la Cour de cassation retient que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence » ;
  • Cass. soc., n° 10–11.933 + 10–13.663 en date du 8 juin 2011 : la Cour de cassation reste sur la ligne de 2009, mais semble vouloir définir ce à quoi pourrait correspondre la notion de « raisons objectives » en précisant que : « sans rechercher si la différence qu’elle constatait (…) n’avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes, définies par la convention collective, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ;
  • Cass. soc., n° 10–14.725 en date du 8 juin 2011 : le même jour, la Cour affine encore davantage la notion de « spécificités » précédemment évoquée en précisant que : « repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d’un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération » ;
  • Cass. soc., n° 11–20.490 en date du 13 mars 2013 : au titre des « spécificités » sus définies (et à l’occasion, dans cette affaire, de l’application différenciée entre salariés d’un régime de prévoyance), la Cour précise que « l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle » ;
  • Cass. soc., n° 13–22.179, 13–25.437 et 13–14.773 en date du 27 janvier 2015 : sous la pression des syndicats, acteurs premiers de toute négociation, la Cour opère un revirement fondamental en retenant que : « les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle » ;
  • Cass. soc., n° 15–11.445 à 15–11.464 en date du 8 juin 2016 : la Cour va encore plus loin en admettant fondées, pour les même raisons, non seulement « les différences de traitement entre catégories professionnelles » mais aussi « entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes ».

Malgré ces arrêts révélateurs d’une position dorénavant assurée, certaines juridictions du premier ou du second degré (conseil de prudhommes et/ou cour d’appel) n’ont pas entendu appliquer, à la lettre, la présomption de justification instaurée par les arrêts de 2015 et 2016.

Au contraire, ces dernières ont même parfois donné l’impression d’inverser la charge de la preuve sollicitant, de la part de l’employeur en lieu et place de salariés se prévalant d’une contestation en ce sens, qu’il justifie d’une raison objective et pertinente à cette différence.

Conformité des avantages catégoriels conventionnels : une reconnaissance incontestable

Par un arrêt récent, la Cour de cassation réaffirme, une nouvelle fois, son positionnement.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 26 avril 2017, n° 15–23.968, 15–23.969, 15.23.971 (pdf | 15 p. | 102 Ko)

Dans cette affaire, la différence de traitement concernait le montant d’une indemnité forfaitaire de repas versée dans le cadre d’un déplacement, et dont le montant (différent entre les agents de direction et les cadres et agents d’exécution) résultait de l’application de deux accords distincts.

En 2013 et déjà appelée à se prononcer sur ladite problématique, la Cour de cassation, conformément à sa position de l’époque, avait considéré qu’aucune raison objective (quelle qu’elle soit) n’était de nature à justifier la disparité.

Or, ici l’action des salariés est purement et simplement rejetée ; ces derniers n’étant pas parvenus à démontrer que la différence de traitement dénoncée reposait sur des motifs étrangers à toute considération de nature professionnelle.

Ce cas d’espèce est d’autant plus marquant (pour ne pas dire impactant) dans un contexte où, a été signé le 23 juillet 2015, un nouvel accord de branche relatif aux frais de déplacement.

Cet accord, venant lisser pour l’ensemble des catégories professionnelles le montant de l’indemnité en cause, aurait légitiment pu fragiliser le contentieux en cours. En effet, ce protocole d’accord aurait pu être analysé comme un désaveu postérieur, de la part des partenaires sociaux de surcroît, de la différence de traitement qui était jusque-là opérée.

Or ceci ne fut pas le cas, la Cour de cassation maintenant envers et contre tout le tempo impulsé jusque-là, la volonté des partenaires sociaux de l’époque devant être respectée et ce, malgré un revirement postérieur.

Cette position n’est pas illogique, dans une période où souffle un vent de renforcement du rôle et de la légitimité de la négociation collective.

Cour de cassation, chambre sociale, 26 avril 2017, n° 15–23.968, 15–23.969, 15.23.971 (les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives sont présumées justifiées)

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Stéphanie Roujon-Paris

De formation supérieure en droit social éprouvée, sur le terrain, par des années d'application quotidienne du droit du travail, des relations sociales et de la négociation collective, j’ai toujours …