Consultations du CSE : un défaut de consultation ne fait pas tomber un accord d’annualisation du temps de travail !

Publié le 19/11/2019 à 08:21 dans Comité social et économique (CSE).

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Le champ des sujets devant donner lieu à consultation des élus du comité social et économique est très large notamment sur les sujets liés aux conditions de travail. Lorsque l’application d’un accord d’entreprise va avoir des conséquences sur ces conditions de travail, une consultation devrait être organisée. Quelles conséquences alors pour l’employeur d’un défaut de consultation ?

Consultation du CSE : un défaut sans conséquence sur l’application des accords collectifs

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur doit procéder à la consultation des élus du comité social et économique (CSE) avant de prendre certaines décisions dites économiques.

Parmi les points sur lesquels les élus doivent être consultés obligatoirement figurent les situations décrites dans l’article L. 2312-8 du Code du travail. A savoir les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, telles que « les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ».

Si une entreprise dispose d’un accord d’annualisation du temps de travail (ou accord de modulation), l’employeur peut être amené à mettre en place périodiquement un programme de modulation. Tout changement apporté à ce programme va avoir des conséquences directes sur les conditions de travail des salariés, en touchant à des points liés à leur durée de travail. Dès lors, ce changement doit par principe donné lieu à consultation obligatoire préalable des élus du CSE. Cette consultation peut d’ailleurs être également réalisée dans le cadre la consultation obligatoire récurrente portant sur la politique sociale de l’entreprise, prévue par l’article L. 2312-17 du Code du travail.

Dans le cas où l’employeur ne procède pas à cette consultation, une question se pose : cela peut-il permettre aux salariés de considérer l’accord de modulation comme inopposable, avec pour conséquences la possibilité de réclamer des rappels d’heures supplémentaires pour le travail accompli en période haute ?

Les juges viennent de se prononcer sur ce point. « Le défaut de consultation annuelle du comité d'entreprise sur les décisions de l'employeur portant sur l'aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre des missions de cet organe concernant la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, qui peut être sanctionné selon les règles régissant le fonctionnement du comité d'entreprise, n'a pas pour effet d'entraîner l'inopposabilité de l'accord de modulation à l'ensemble des salariés de la société ».

Conseil
La décision rendue par les juges porte sur le défaut de consultation récurrente obligatoire sur la politique sociale et non sur le défaut de la consultation obligatoire prévue par l’article L. 2312-8 du Code du travail. A notre sens, le défaut de la consultation obligatoire prévue à par l’article L. 2312-8 du Code du travail ne saurait lui-aussi rendre inopposable un accord d’entreprise d’annualisation du temps de travail. Cette solution rendue sur la question du temps de travail est extensible aux autres sujets soumis à consultation du CSE. Un défaut de consultation sur la politique de l’entreprise en matière d’handicap se saurait remettre en cause un accord d’entreprise sur le handicap.

Consultation du CSE : un défaut portant des conséquences directes importantes

Donc, ne pas procéder à la consultation des élus sur un sujet figurant dans un accord d’entreprise n’entraîne pas l’absence d’opposabilité de cet accord aux salariés.

Néanmoins, le défaut de consultation reste créateur de risques juridiques importants pour l’entreprise.

Le premier risque est une condamnation au titre du délit d’entrave au fonctionnement régulier du CSE.

Le second risque est une demande de suspension d’exécution d’un accord dans l’attente de la réalisation d’une consultation obligatoire des élus. Cette suspension peut être prononcée selon les cas par le tribunal de grande instance (tribunal judiciaire à compter de 2020) suite à une action en justice menée par les élus du CSE. Action par laquelle les élus peuvent aussi demander la condamnation de l’employeur au versement de dommages-intérêts.

Le troisième risque est celui de priver l’employeur d’organiser une consultation ponctuelle obligatoire faute d’avoir respecté ses obligations de consultation récurrente. Certaines décisions de justice sont ainsi venues suspendre une procédure de consultation sur un licenciement économique ou un plan de cession faute pour l’employeur d’avoir organisé dans les temps impartis les consultations récurrentes obligatoires (politique sociale, situation économique et financière, orientations stratégiques). Avec pour conséquences des retards importants dans le projet de licenciements économiques ou dans le projet de cession !

Pour tout savoir des consultations obligatoires du CSE, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Le comité social et économique : agir en instance unique ».


Cour de cassation, chambre sociale, 18 septembre 2019, n° 17-31.274 (le défaut de consultation annuelle du CE sur les décisions de l'employeur portant sur l'aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée concernant la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, n’a pas pour effet d'entraîner l'inopposabilité de l'accord de modulation à l'ensemble des salariés)

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Olivier Castell

Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr

Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …