Délégué syndical : sa désignation peut être mise en échec par le critère de l’audience syndicale
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La désignation des délégués syndicaux est une prérogative réservée aux seuls syndicats représentatifs. Mais encore faut-il que l’employeur ne conteste nullement cette représentativité. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation s’est prononcée sur une affaire singulière, nouée autour du critère de l’audience syndicale.
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Audience syndicale : critère prépondérant de la représentativité syndicale
Le Code du travail suspend la représentativité d’une organisation syndicale à la réunion de sept critères cumulatifs :
- le respect des valeurs républicaines ;
- l'indépendance ;
- la transparence financière ;
- l’ancienneté ;
- l'audience ;
- l'influence ;
- les effectifs d'adhérents et les cotisations.
Pour autant, leur évaluation repose sur des modalités spécifiques dégagées par la jurisprudence.
S’agissant des trois premiers critères, leur évaluation s’opère de manière autonome et permanente. Ce qui, concrètement, signifie qu’ils sont observés individuellement et que la disparition de l’un d’eux emporte automatiquement la perte de la représentativité.
A l’inverse, les quatre derniers critères sont appréciés au global, et ce, pour toute la durée du cycle électoral. C’est-à-dire que, suivant une logique de pondération, la satisfaction à ces critères vaudra jusqu’au terme du cycle électoral.
Parmi l’ensemble de ces critères, celui de l’audience syndicale s’avère prépondérant. Puisqu’au-delà de concrétiser la légitimité d’un syndicat auprès des salariés, il fonde l’essentiel des contentieux relatifs à la représentativité.
La décision rendue par la Cour de cassation le 8 novembre 2023 en est une nouvelle illustration.
Établissements distincts partagés avec une autre entreprise : la totalité des suffrages doivent être additionnés
Pour mémoire, afin de satisfaire à la condition d’audience au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, un syndicat doit recueillir 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles.
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une unité économique et sociale (UES) avait conclu un accord collectif portant sur le dialogue social et le droit syndical. Deux thèmes étaient notamment abordés, le périmètre des établissements distincts ainsi que le périmètre de désignation des délégués syndicaux :
- concernant le premier thème : deux entreprises sont subdivisées en trois établissements distincts ;
- concernant le second thème : pour ces entreprises, la désignation du délégué syndical d’établissement est effectuée sur le périmètre des sociétés, et non au niveau des établissements distincts.
Lors du 1er tour des élections professionnelles, un syndicat recueille :
- 1,78 % des suffrages dans l’établissement n° 1 ;
- 13,24 % des suffrages dans l’établissement n° 2 ;
- 8,33 % des suffrages dans l’établissement n° 3.
Soit 9,02 % des voix au total.
Il procède alors à la désignation d’un délégué syndical au niveau de l’une des entreprises.
Cette dernière conteste. Selon elle, l’audience électorale devait être appréciée au regard de l’ensemble du personnel des entreprises.
Elle est déboutée à hauteur d’appel. Selon les juges du fond, compte tenu de la complexité de l’accord, le syndicat pouvait valablement effectuer cette désignation dans la mesure où il avait recueilli 10 % des suffrages exprimés dans l’un des établissements concernés.
En l’occurrence, le syndicat justifiait d’une audience consolidée de 10,78 % sur les deux derniers établissements. Les résultats obtenus dans le premier établissement, quant à eux, ne pouvaient pas être pris en considération dans la mesure où celui-ci intégrait du personnel des deux entreprises.
Notez le
Pour la cour d’appel, apprécier l’audience au niveau d’une seule entreprise, par consolidation des résultats obtenus dans les 3 établissements, était impossible. Du fait de la division des deux sociétés en trois établissements, l’addition des suffrages obtenus aboutissait à établir une représentativité à l’échelle des deux entreprises, réunies en une unité.
Toutefois, la Cour de cassation casse ce raisonnement et donne raison à l’entreprise. Elle considère, en effet, que le seuil de 10 % doit être apprécié en additionnant le total des suffrages obtenus lors des élections qui se sont déroulées dans les différents établissements.
La Haute juridiction décide, cette fois-ci, de statuer au fond et d’acter l’annulation de la désignation du délégué syndical.
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Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 2023, n° 22-21.600 (lorsque la désignation d'un délégué syndical s'effectue au niveau d'une personne morale regroupant en partie trois établissements distincts, le seuil de 10 % fixé par l'article L. 2121-1 du Code du travail se calcule en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein de ces différents établissements)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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