Déménagement de l’entreprise : comment le CSE peut-il intervenir ?

Publié le 09/04/2021 à 07:36 dans Comité social et économique (CSE).

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Le contexte actuel a forcé les entreprises à se servir du télétravail, ce qui a soulevé pour certains employeurs des réflexions sur les locaux de l’entreprise. Si un déménagement est envisagé, sachez que le CSE a un rôle important à jouer afin de faire entendre la voix des salariés, premiers concernés par ces changements.

Déménagement de l’entreprise : l’obligation de consultation préalable

Le Code du travail ne vise pas expressément le cas du déménagement parmi les cas de consultations obligatoires du comité social et économique (CSE). Néanmoins, les élus du CSE doivent bien être informés et consultés préalablement à toute décision de déménagement.

Cette obligation est issue du Code du travail lui-même qui impose de consulter le comité sur les mesures envisagées intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, particulièrement en cas de mesures de nature à affecter les conditions d'emploi et de travail.

En conséquence, un employeur qui procède au déménagement de l’entreprise sans avoir recueilli au préalable un avis du CSE commet un délit d’entrave au fonctionnement régulier du comité. Et si aucune procédure de consultation n’a été ouverte, les élus peuvent agir en justice pour obtenir le lancement de cette procédure mais aussi le blocage des opérations de déménagement tant que l’avis du comité n’est pas rendu !

Se pose la question du moment auquel l’employeur doit commencer la consultation des élus. Les juges ont bien précisé que cette consultation doit être ouverte lorsque le déménagement est encore en phase de projet et qu’aucune décision ferme n’a déjà été prise. Cela est logique car le but de la consultation est de permettre aux élus de jouer un rapport de force afin d’obtenir des aménagements nécessaires au projet.

Ainsi, l’employeur commet notamment un délit d’entrave s’il ouvre la consultation alors que le bail des locaux occupés jusqu’à présent par l’entreprise a déjà été dénoncé et qu’un nouveau bail a été acquis. Il en est de même si l’entreprise a déjà acquis des locaux et commencé à exécuter des travaux pour accueillir les salariés.

Déménagement de l’entreprise : le recueil des informations

Comme toute consultation, les élus du CSE doivent bénéficier d’informations précises au début de la procédure d’information-consultation. Puis l’employeur doit aussi fournir des réponses motivées aux observations des élus. Ce n’est qu’une fois toutes les obligations de l’employeur respectées que les élus vont être amenés à rendre un avis.

La plupart du temps, au début de la consultation, l’employeur se contente de fournir aux élus des informations sur l’intérêt financier du projet de déménagement, sous forme de tableaux mettant en parallèle les économies réalisées sur la durée avec les nouveaux locaux. Parfois, l’employeur fournit aussi les plans des locaux dans lesquels il envisage d’installer l’entreprise. Et puis c’est tout !

Or, un projet de déménagement entraîne de multiples conséquences et il appartient aux élus de veiller à obtenir toutes les informations permettant d’avoir une vision globale et précise du projet.

Parmi les thèmes sur lesquels il va falloir interroger l’employeur, on peut évoquer :

  • la prise en charge des déménagements personnels des salariés ;
  • l’existence de parkings ou de transports en commun ;
  • la prise en charge financière des coûts de transport ;
  • l’existence de places de crèches ou la création d’une crèche d’entreprise ;
  • le nombre de bureau disponibles par rapport au nombre de salariés actuels et futurs ;
  • les conditions de télétravail ;
  • l’emplacement des bureaux des différents services au sein des nouveaux locaux (bureau individuel, open space) ;
  • l’existence de tentatives de renégociations des coûts des locaux actuels ;
  • le nom du propriétaire des nouveaux locaux envisagés ;
  • le calendrier prévisionnel du déménagement ;
  • les possibilités de restauration dans les nouveaux locaux ;
  • le respect des normes d’hygiène et de sécurité dans les nouveaux locaux ;
  • une estimation du nombre des salariés qui préféreront quitter l’entreprise plutôt que de travailler dans les nouveaux locaux et le coût des opérations de recrutement alors rendues nécessaires ;
  • etc.

Sur ces éléments, les élus doivent demander des réponses précises de l’employeur.

Déménagement de l’entreprise : être force de proposition

À partir du projet initial présenté par l’employeur et des premières informations obtenues de sa part suite aux questions posées en réunion, les élus ont la possibilité de dépasser un rôle d’observateur pour prendre un rôle de force de proposition.

La première chose à faire est souvent de demander à l’employeur de revoir la simulation financière présentée lors de la première réunion, en tenant compte non pas du seul coût immobilier mais aussi des coûts indirects sur les salaires, les frais professionnels, les investissements en santé et sécurité, les éventuels besoins de formation, la communication (coût du changement d’adresse sur tous les documents de l’entreprise ainsi qu’opération de communication pour prévenir du déménagement les clients et les fournisseurs), etc. La nouvelle simulation financière remet parfois en cause l’argument d’une économie financière pour justifier un déménagement.

La seconde est d’aller échanger avec les salariés de l’entreprise pour déterminer quels sont les éléments déterminants pour eux en cas de déménagement. Aux élus alors d’exercer leur rapport de force face au président pour obtenir des avancées sur ces éléments. Le soutien des salariés est essentiel pour convaincre l’employeur que l’absence de prise en compte des propositions du CSE cause un risque de dégradation du climat social de l’entreprise, voire un risque de départ massif des salariés mécontents !

Les propositions apportées par les élus sont souvent un réaménagement du plan initial des futurs locaux, l’acquisition de places de parking supplémentaires, le versement de primes de déménagement ou l’adaptation des horaires de travail pour tenir compte d’un allongement de la durée des trajets domicile-lieu de travail. Mais les élus n’ont aucune limite dans le champ des propositions pouvant être formulées.

Si le personnel interrogé est globalement favorable à un projet de déménagement des locaux de l’entreprise, les élus doivent malgré tout jouer leur rôle face à l’employeur. Le but n’étant pas de convaincre l’employeur de ne pas déménager les locaux mais de convaincre l’employeur d’intégrer la prise en compte des impacts sur les salariés dans son projet de déménagement, et de prévoir donc des financements pour y faire face, comme la réservation de places dans une crèche interentreprises située à proximité des nouveaux locaux.

Cet article est un extrait d’une fiche de la documentation « Comité social et économique : agir en instance unique ». Vous trouverez dans cette documentation davantage d’informations sur le déménagement de l’entreprise grâce à un bloc mise en pratique qui aborde notamment les possibilités de recours à un expert et l’impact du déménagement sur les contrats de travail.