Dissimuler une liaison entre un délégué du personnel et un responsable RH peut justifier un licenciement

Publié le 31/05/2024 à 07:22, modifié le 05/06/2024 à 11:02 dans Délégué du personnel.

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Un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail. C'est notamment le cas lorsqu'un salarié, responsable RH, dissimule sa liaison avec une déléguée syndicale.

Motif tiré de la vie privée : il justifie un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement contractuel

Chaque salarié a droit au respect de sa vie privée. En principe, un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut pas être invoqué par l'employeur pour justifier un licenciement.

Exemple

La condamnation pour détournement de fonds d'une salariée dans le cadre de ses activités personnelles de trésorière au sein d'une association ne justifie pas son licenciement pour motif disciplinaire.

Il en est toutefois autrement lorsque les agissements du salarié caractérisent un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail. Dans cette situation, un licenciement disciplinaire peut être justifié.

Exemple

Un steward qui consomme des produits stupéfiants durant les escales et se trouve sous leur influence pendant l'exercice de ses fonctions manque à son obligation de sécurité et commet une faute grave justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.

Un manquement à l'obligation de loyauté peut notamment être caractérisé lorsque le salarié dissimule certains faits de sa vie personnelle en lien avec l'exercice de son activité professionnelle. Illustration dans une affaire récemment jugée par la Cour de cassation.

Dissimulation d'une relation intime : elle peut constituer un manquement à l'obligation de loyauté !

Dans cette affaire, un salarié exerçant des fonctions de responsable RH est licencié pour faute grave. L'entreprise lui reproche un manquement à son obligation de loyauté face à une situation de conflit d'intérêt, ce dernier ayant dissimulé la relation amoureuse qu'il entretenait avec une salariée exerçant des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel dans l'entreprise.

L'entreprise relève que cette situation a conduit pendant plusieurs années le salarié à présider, en tant que représentant de la direction, les réunions auxquelles participait la salariée en tant que représentante du personnel, parfois sur des sujets sensibles. La salariée avait en outre participé, pendant cette période, à différents mouvements de grève et d'occupation de l'entreprise.

Estimant qu'un motif tiré de sa vie privée ne peut justifier un licenciement disciplinaire, le salarié saisit le conseil des prud'hommes pour obtenir l'annulation de son licenciement.

La Cour de cassation, confirmant la position des juges d'appel, commence par rappeler qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de ce dernier à une obligation découlant de son contrat de travail.

En l'espèce, les juges relèvent que la dissimulation de cette relation intime, en rapport direct avec les fonctions professionnelles du salarié et de nature à en affecter le bon exercice, constitue un manquement à son obligation de loyauté, rendant impossible son maintien dans l'entreprise. Le fait qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi est indifférent.

Le licenciement pour faute grave était donc ici justifié.

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Cour de cassation, chambre sociale, 29 mai 2024, n° 22-16.218 (un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement pour faute grave s'il caractérise un manquement à son obligation de loyauté rendant impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi)

Margaux Berbey

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot