Documents confidentiels et obligation de discrétion des membres du CE

Publié le 20/01/2015 à 08:02, modifié le 11/07/2017 à 18:26 dans Comité d’entreprise.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

L’employeur mettant en avant la confidentialité de certains documents auprès des membres du CE ne peut pas se contenter d’affirmer que le document transmis est confidentiel. Il doit démontrer que la confidentialité est nécessaire au regard des intérêts légitimes de l’entreprise.

Les faits

La direction de Sanofi-Aventis Recherche et développement (R&D) envisage la réorganisation des métiers de la R&D et des fonctions support. En juillet 2012, elle consulte le comité central d’entreprise et adresse aux élus 2 documents qu’elle place, de manière illimitée, sous le sceau de la confidentialité :

  • un « Projet de réorganisation et d’adaptation 2012–2015 de Sanofi Aventis Recherche et développement » ;
  • un « Projet de plan de mesures d’accompagnement à la mobilité interne et aux départs volontaires ».

À l’occasion de la première réunion d’information du 11 octobre 2012, les élus du CCE adoptent une délibération pour contester l’usage abusif fait par la direction de la confidentialité relative aux documents présentés. Mais la direction poursuit la phase d’information/consultation du CCE en organisant, le 23 octobre 2012, une seconde réunion.

Le CCE décide de saisir le juge des référés du tribunal de grande instance et lui demande :

  • d’une part d’interdire à Sanofi-Aventis R&D de se prévaloir de l’obligation de discrétion sur l’intégralité des documents ;
  • d’autre part d’ordonner la reprise à l’origine des procédures d’information/ consultation.

Ce qu’en disent les juges

Le TGI donne partiellement raison au CE. Il estime que l’employeur ne peut pas classifier l’ensemble des documents comme confidentiels, mais il refuse que la procédure soit reprise à zéro. Les juges relèvent en effet que les documents ont été divulgués à la presse, si bien que le CCE a pu discuter avec les salariés des projets envisagés.

L’employeur fait appel. La Cour d’appel donne à nouveau gain de cause au CCE. Les juges relèvent qu’il appartient à l’employeur d’établir en quoi les informations transmises aux membres du comité revêtent un caractère confidentiel. Cela n’ayant pas été fait, l’employeur doit reprendre la procédure de consultation.

Même son de cloche de la part des juges de la Cour de cassation qui posent le principe suivant : « Pour satisfaire aux conditions de l’article L. 2325–5 du code du travail, l’information donnée aux membres du comité d’entreprise doit non seulement être déclarée confidentielle par l’employeur, mais encore être de nature confidentielle, au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur d’établir ».

Pour ces juges, l’employeur ne pouvait pas invoquer l’obligation de discrétion comme bon lui semble. Il aurait non seulement dû déclarer que les informations transmises étaient confidentielles (ce qu’il a fait), mais il aurait dû établir en quoi ces informations étaient de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise (ce qu’il n’a pas fait).

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 5 novembre 2014, n° 13–17270 (pdf | 10 p. | 66 Ko)

Une telle attitude constitue une « atteinte illicite au prérogatives des membres du comité d’entreprise dans la préparation des réunions » qui doit être réparée en reprenant la procédure d’information/consultation à son début.

A noter que la question de la confidentialité va se poser de plus en plus avec l’instauration de la BDES (voir notre article « Informations contenues dans la base de données économiques et sociales : comment protéger leur caractère confidentiel ? »).

Pour en savoir plus sur les principales évolutions liées au mandat CE, les Editions Tissot vous conseillent leur « Formation spécial CE – Actualité juridique 2014/2015 : ce qu’il faut savoir ».

Cour de cassation, chambre sociale, 5 novembre 2014, n° 13–17270 (pour se prévaloir de la confidentialité, l’employeur doit déclarer l’information comme confidentielle et justifier par des éléments objectifs le caractère confidentiel des informations)