Don de jours de repos : un sujet de négociation « inutile »?
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Don de jours de repos : pourquoi négocier ?
Un salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, affectés ou non sur son compte épargne temps (Code du travail, art. L. 1225–65–1).
Cette renonciation s’effectue au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise qui assume « la charge d’un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ».
L’avantage de ce dispositif résulte dans le fait qu’il n’existe, in fine, aucune obligation de négocier pour qu’il puisse être appliqué. Concrètement donc, l’existence même des dispositions légales exposées ci-dessus permettent, à elles seules, sa mise en œuvre.
Ceci étant, la négociation d’un accord d’entreprise « don de jours de repos » est en fait fort utile à la définition des modalités pratiques d’application et de suivi.
Cette nécessité est d’autant plus criante dans un contexte où, la loi est restée muette sur un certain nombre de points pourtant cruciaux, et afférents au déploiement concret de ce dispositif.
Or, comment se prévaloir d’un tel mécanisme de solidarité sans se donner les moyens d’assurer un traitement, rapide, fiable et équitable des situations « malheureuses » et d’urgence susceptibles de survenir dans ce cadre.
Don de jours de repos : comment négocier ?
Avant toute chose, il apparait important que vous puissiez réaliser un état de lieux de l’existant.
Cet état des lieux vise à s’interroger sur trois choses, à savoir :
- les mécanismes légaux et conventionnels déjà applicables (exemple : congés de proche aidant, congés de solidarité familiale, congés conventionnels enfants malades, etc.). Ces mécanismes constituent, selon le cas rencontré, un premier degré de réponse potentiellement intéressant, à connaitre et à récapituler dans votre futur accord, mais s’avérant souvent « limité » ;
- l’application à votre entreprise/ secteur d’activité d’un éventuel accord de niveau supérieur (accord de branche, de groupe), accord susceptible de venir ouvrir ou au contraire restreindre, et à tout le moins cadrer, vos futures négociations ;
- le nombre de demandes ayant déjà pu être émises et traitées par votre employeur et selon quelles modalités. Ce point peut être sollicité au travers d’une question DP par exemple.
Cet état des lieux vous permettra de disposer de premiers éléments visant à assoir la structure de votre future négociation, et/ou à identifier les sujets ayant déjà pu poser question.
En tout état de cause, la négociation portant sur le don de jours de repos se doit, pour aboutir à un accord efficient, de creuser et de délimiter les sujets suivants :
Les bénéficiaires. Ainsi, est-il opportun de cantonner le bénéfice du dispositif don de jours au cas limitativement défini par le Code du travail ? Ou est-il entendable, au contraire, d’étendre ce dernier à d’autres besoins (exemples : conjoint/pacsé/concubin gravement malades, ascendant(s) fiscalement à charge et gravement malades etc.) ;
L’état du « compteur congés » du futur bénéficiaire. Ce dispositif crée un nouveau motif d’absence. Cette absence est rendue possible par la générosité de collaborateurs venant effectuer un don au profit d’une situation identifiée.
Ainsi, est-il décidé d’actionner l’appel au don dès que les conditions d’ouverture viendraient à être remplies côté bénéficiaire ? Ou est-il décidé, au contraire, de mettre en place un « garde-fou » visant à prévoir, pour le bénéficiaire, le solde préalable d’une certaine nature et d’un certain nombre de congés ?
La nature des jours cessibles et le nombre maximal de jours pouvant faire l’objet d’un don. Sur ce point attention, le congé annuel, même s’il n’est pas le seul congé susceptible de faire l’objet d’un don, ne peut être pour sa part cédé que pour sa durée excédant 24 jours ouvrables.
La question d’un abondement employeur peut aussi être abordée.
La situation du salarié donateur. Une condition d’ancienneté, au bénéfice du salarié donateur, peut être envisagée. En tout état de cause, il sera impossible d’exclure du don une catégorie de salariés au motif de la nature de leur contrat.
La valorisation financière des jours cédés. Sur ce point, il convient de déterminer la méthodologie de transposition des jours cédés en lien avec les services paie et comptabilité.
Est-il décidé d’effectuer une proratisation en fonction de la rémunération bénéficiaire – donateur ou est-il décidé, au contraire, d’un don « un pour un » ?
La périodicité et la formalisation des dons à venir. Il convient notamment d’aborder, sous ce thème, la manière dont les campagnes de dons entendent être lancées puis menées.
Les modalités de prise des jours cédés. Ce point vise à traiter des formalités liées à la saisine de l’employeur, la méthodologie d’analyse des sollicitations, etc.
Concernant le statut du salarié bénéficiaire du don, peu de marge est laissée à la négociation. En effet, tout est strictement encadré par les textes. De fait, le salarié bénéficiaire d’un ou plusieurs jours cédés a droit au maintien de sa rémunération durant la durée de l’absence. Cette période d’absence est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve ainsi le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de sa période d’absence.
Don de jours et fonds de solidarité : l’opportunité de mettre en place des dons continuels, une option à ne plus négliger
Mesure essentielle d’un petit nombre d’accords don de jours de repos, cette dernière prévoit que des dons pourront être réalisés tout au long de l’année, en une ou plusieurs fois.
Les jours cédés, quels qu’ils soient, sont dans ce cadre affectés sur un fonds de solidarité dit pérenne et limité à un nombre de jours pré déterminés lors de la négociation.
La création d’un tel fonds est, en pratique débattue, au regard de la rédaction de l’article L. 1225–65–1 du Code du travail. En effet, cet article est interprété comme excluant la possibilité de procéder à des dons de jours de repos en faveur de situations potentielles non encore existantes.
Néanmoins, ces entreprises ont fait le choix d’y recourir aux fins d’être en capacité de réagir rapidement, et en toute situation, en disposant d’une banque jours alimentée continuellement.
Ceci n’apparait pas contraire à l’esprit de cette loi. Une loi pensée et écrite en « mémoire » de situations d’hommes et de femmes en grande difficulté sollicitant entraide. Une entraide au sein du monde du travail qui se doit d’être valorisée et témoignant d’une réelle avancée sociale.
Un accord de ce type a été agréé le 6 février 2017 par la Direction de la Sécurité Sociale et ce, au profit d’un organisme de Sécurité Sociale Rhône Alpin.
Une démarche à notre sens à saluer, promouvoir et perpétuer quel que soit le secteur d’activité.
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Stéphanie Roujon
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