Droit d’alerte du CSE en cas d’atteinte aux droits des personnes : imputation sur les heures de délégation
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Dans le cadre des missions qui sont les leurs, les élus du comité social et économique peuvent déclencher un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes. Si la procédure encadrant ce droit est bien connue, un employeur est venu récemment réclamer l’imputation du temps passé en réunion suite au déclenchement de l’alerte sur les heures de délégation des élus. Quelle a été la réponse apportée par la Cour de cassation à cette question de droit ?
Droit d’alerte du CSE en cas d’atteinte aux droits des personnes : rappel de la notion
Le Code du travail prévoit que si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte :
- aux droits des personnes ;
- à leur santé physique et mentale ;
- ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ;
il doit s’assurer que cette atteinte n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché.
Si tel est le cas, il en saisit immédiatement l'employeur.
Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
Si un membre du CSE constate, de lui-même ou par l’intermédiaire d’un travailleur une telle atteinte, l'employeur procède alors sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au CSE si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.
Droit d’alerte du CSE en cas d’atteinte aux droits des personnes : quid de l’imputation sur les heures de délégation ?
L’article L. 2315-11 du Code du travail nous apprend qu’ « est payé comme temps de travail effectif le temps passé par les membres de la délégation du personnel du comité social et économique :
1° A la recherche de mesures préventives dans toute situation d'urgence et de gravité, notamment lors de la mise en œuvre de la procédure de danger grave et imminent prévue à l'article L. 4132-2 ;
2° Aux réunions du comité et de ses commissions, dans ce cas dans la limite d'une durée globale fixée par accord d'entreprise ou à défaut par décret en Conseil d'État ;
3° Aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave ;
Ce temps n'est pas déduit des heures de délégation prévues pour les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique. »
La Cour de cassation a récemment dû se prononcer sur l’application de cet article quant au temps passé en réunion par les élus avec l’employeur dans le cadre du déclenchement d’un droit d’alerte en raison d’une atteinte aux droits des personnes.
En l’espèce, huit membres élus d’un CSE ont informé l'employeur qu'ils entendaient faire usage de leur droit d'alerte sur le fondement de l'article L. 2312-59 du Code du travail, au motif d'une « discrimination à l'encontre d'une femme enceinte […] ».
Suite à cela, les élus ayant exercé leur droit d'alerte ont été conviés par l'employeur à une réunion de 14 heures à 16 heures, à laquelle deux élus ont assisté.
Soutenant notamment que le temps passé par les membres de la délégation du personnel présents lors de la réunion devait être rémunéré comme du temps de travail effectif sans être déduit des heures de délégation, les élus ont saisi la juridiction prud'homale.
En première instance, le juge condamne l’entreprise à payer ces heures comme du temps de travail effectif sans les imputer sur le crédit d’heures de délégation. Motif : cette réunion a été organisée par la direction du dépôt de l’entreprise et l'atteinte aux droits des personnes constitue une situation d'urgence et de gravité rentrant donc dans le champ d’application de l’article L. 2315-11 du Code du travail.
Pour la Haute juridiction ce raisonnement ne tient pas. Faisant une lecture littérale de l’article L. 2315-11, elle estime que le temps passé par les membres de la délégation du personnel au comité social et économique à l'exercice de leur droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes s'impute sur leur crédit d'heures de délégation.
Elle précise ensuite que bien que l’employeur ait organisé cette réunion, elle avait pour origine une demande des élus.
Ce dont il résultait que le temps passé à ladite réunion devait être déduit de leur crédit d'heures de délégation.
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Cour de cassation, chambre sociale, 9 novembre 2022, n° 21-16.230 (le temps passé par les élus en réunion organisée par l’employeur suite au déclenchement du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes doit être déduit du crédit d’heures de délégation)
Gérant de la société FOKUS dédiée à la formation et à l'accompagnement des représentants du personnel (www.fokus-cse.com)
https://www.fokus-cse.com
Juriste et formateur en droit social
Spécialiste des relations sociales
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