Durée du statut protecteur d’un délégué syndical : s’agirait-il d’une notion à double détente ?

Publié le 31/12/2020 à 08:04 dans Protection des RP.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Si le Code du travail acte de la nécessité pour l’employeur d’obtenir une autorisation de l’inspection du travail pour le licenciement d’un délégué syndical durant les 12 mois suivant la cessation de ses fonctions, s’agit-il vraiment d’une solution universelle ?

Durée du statut protecteur d’un délégué syndical : un point sur les textes s’impose

En vertu de l’article L. 2143-3 du Code du travail, applicable à notre cas, « chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, (…), un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter ».

Comme indiqué en préambule, le licenciement d'un délégué syndical ne peut, par principe, intervenir qu'après autorisation de l'inspection du travail ; autorisation également requise pour le licenciement d’un ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, sous couvert de les avoir exercées pendant au moins un an.

Or, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, les choses s’avèrent quelque peu différentes.

Concernant, dans un premier temps, les modalités de désignation, l’article L. 2143-6 du Code du travail, dans sa version applicable à notre cas précise que, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle plus favorable, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures spécifique ; le temps dont dispose le délégué du personnel pour l'exercice de son mandat pouvant être utilisé, dans les mêmes conditions, pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

Concernant, dans un second temps, la protection applicable à un tel mandat, seul l’article L. 2411-5 du Code du travail nous permet de glaner des informations, à savoir que, le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspection du travail ; autorisation également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution.

Mais doit-on alors en conclure que le mandat de délégué syndical, dans ce cas de figure qui ne fait d’ailleurs pas l’objet d’un crédit d’heure propre, s’avère purement et simplement « s’effacer » au profit de celui de délégué du personnel ?

Durée du statut protecteur d’un délégué syndical : une réponse claire apportée par la Cour de cassation

Dans notre cas d’espèce un salarié, sollicitant l'organisation d'élections pour la désignation de délégués du personnel au sein de la société dans laquelle il était employé, celle-ci comportant moins de cinquante salariés, a été élu délégué du personnel titulaire le 24 juin 2011 puis désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical pour le collège cadres-agents de maîtrise.

Le 28 octobre 2013, ce dernier a démissionné de ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical, à effet au 1er janvier 2014.

Le 15 juillet 2014, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 juillet 2014. Après autorisation administrative de licenciement accordée le 29 septembre 2014, il s'est vu notifier son licenciement pour motif économique le 6 octobre 2014. Par décision du 3 avril 2015, le ministre du Travail a annulé l'autorisation de licenciement, considérant que l'inspection du travail n'était pas compétente pour statuer sur la demande d'autorisation. Motif : le mandat de délégué syndical détenu par le salarié avait nécessairement pris fin au terme de son mandat de délégué du personnel et la protection s'y rattachant avait expiré à l'issue du délai de six mois suivant la cessation des mandats, soit avant que ne soit engagée la procédure de licenciement. Cette décision n'a donné lieu à aucun recours d’aucune des deux parties.

Le 31 juillet 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes, au titre, notamment, de la violation du statut protecteur applicable aux délégués syndicaux lui permettant, selon lui, de se prévaloir compte tenu de sa « double casquette » d’une protection de douze mois et non de six mois.

En réponse et malgré les arguments soulevés, les juges ont considéré que la combinaison des articles L. 2143-6 alinéa 1 et L. 2411-5 du Code du travail, rappelés ci-dessus, amène logiquement à considérer que, dans les entreprises de moins de 50 salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical jusqu’au terme de son mandat de délégué du personnel.

Par conséquent, la protection supplémentaire afférente à ce mandat est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel, et non celle d'un an attachée à la qualité de délégué syndical. Ainsi, seule la protection légale de six mois trouve dans ces cas à s'appliquer ; position permettant d’exclure toute sollicitation du salarié demandeur ce dernier :

  • ayant été désigné le 22 juillet 2011 en qualité de délégué syndical, quelques semaines après avoir été élu délégué du personnel titulaire ;
  • ayant renoncé à ses deux mandats le 28 octobre 2013, avec prise d’effet au 1er janvier 2014 ;
  • bénéficiant d’une protection jusqu'au 30 juin 2014 soit, avant l’engagement de toute procédure de licenciement économique par son employeur.

Durée du statut protecteur d’un délégué syndical : une notion importante à ne pas perdre de vue pour ne pas se retrouver en situation de violation de la protection applicable

Pour rappel, le salarié protégé dont le licenciement est nul, en vertu de la violation de son statut protecteur ou encore, de l’annulation ou du retrait de l'autorisation administrative de rupture du contrat suite à l'exercice d'un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux, peut solliciter sa réintégration dans l'entreprise.

Dans cette hypothèse, le salarié peut prétendre au versement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration effective.

A défaut de sollicitation en ce sens, l’employeur condamné se devra de payer les indemnités suivantes :

  • une indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle) ;
  • une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés attachés à ce préavis (quelle que soit la situation du salarié : dispense de préavis ou autre) ;
  • une indemnité de congés payés ;
  • une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de la rupture (déterminée en vertu de l’article L.1235-3 du Code du travail) ;
  • une indemnité forfaitaire spécifique au titre de la violation du statut protecteur égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de deux années correspondant à la durée légale minimale du mandat augmentée de 6 mois soit, de 30 mois. Si la période de protection a pris fin, ce sera au juge d’en déterminer le montant en fonction du préjudice subi ;
  • une indemnité pour défaut d’information en lien avec la portabilité de la prévoyance ;
  • des dommages et intérêts au titre de préjudice(s) « autres » (exemple : préjudice moral en lien avec le contexte de la rupture etc…).

Ces règles se doivent donc d’être correctement assimilées.

Important
Cette solution est transposable au CSE puisque dans les entreprises de moins de 50 salariés, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique peut être désigné comme délégué syndical.


Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 19-12.279 (dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d’un an attachée à la qualité de délégué syndical s’il a exercé plus d’un an)

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Stéphanie Roujon-Paris

De formation supérieure en droit social éprouvée, sur le terrain, par des années d'application quotidienne du droit du travail, des relations sociales et de la négociation collective, j’ai toujours …