En tant que représentant du personnel, pouvez-vous refuser un déplacement professionnel ?
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En tant que représentant du personnel, vous disposez d'un statut protecteur. Ceci implique que si votre employeur désire modifier votre contrat de travail ou simplement changer vos conditions de travail, votre accord préalable est nécessaire. Comment réagir si votre employeur vous impose un grand déplacement professionnel ?
Modification du contrat et des conditions de travail : quel cadre pour un représentant du personnel ?
En principe, aucun salarié ne peut se voir imposer la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail sans son accord préalable (durée du travail, classification, rémunération, etc.). Seul un changement de ses conditions de travail peut être ordonné.
En revanche, en tant que représentant du personnel et en raison de votre statut de salarié protégé, aucune distinction n’est faite entre le changement de vos conditions de travail et la modification de votre contrat : dans tous les cas, l’employeur doit recueillir votre accord.
Ainsi, en principe, ce dernier ne peut pas vous imposer une modification de votre rémunération ou de votre qualification, pas plus qu’il ne peut changer vos horaires ou votre lieu de travail sans votre accord.
Cependant, certains emplois nécessitent, par nature, une flexibilité particulière concernant divers éléments, tels que le lieu de travail. Dans ces cas-là, l’employeur peut-il imposer un grand déplacement à un représentant du personnel ?
Un grand déplacement professionnel ne constitue pas forcément un changement des conditions de travail
Lorsque certaines conditions sont réunies, votre employeur peut vous imposer de partir en grand déplacement sans recueillir préalablement votre accord, même en tant que salarié protégé. Illustration dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 septembre 2024.
Dans cette affaire, un employeur avait informé l'un de ses salariés, représentant du personnel, que ce dernier serait envoyé en grand déplacement pour une durée de six semaines. Estimant que ce déplacement ne pouvait lui être imposé sans son accord, le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Rappel
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat, il quitte immédiatement son poste et saisit le juge. Selon la décision de justice, la rupture peut produire les effets :
- d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire d’un licenciement nul s’il s’agit d’un salarié protégé), si le juge confirme les manquements de l’employeur ;
- d'une démission, dans le cas contraire.
Après avoir été débouté par la cour d’appel, qui avait requalifié sa prise d’acte en démission, le salarié a saisi la Cour de cassation. La Haute juridiction a alors confirmé la décision des juges d’appel.
En effet, les juges ont relevé qu’aux termes de son contrat de travail, le salarié pouvait être muté en France dans l'un des établissements de la société et que, compte tenu de l'éloignement ou de l'organisation des chantiers de l'entreprise, il acceptait de partir en déplacement en contrepartie d'une indemnité de grand déplacement journalière.
Les juges ont ensuite relevé que :
- le déplacement envisagé par l’employeur était occasionnel et bref (six semaines), à l’instar des déplacements similaires déjà acceptés par le salarié dans le passé ;
- il était justifié par une baisse d’activité non contestée ;
- le salarié avait été prévenu trois semaines à l’avance et ne pouvait donc reprocher à l’employeur ni un manque d’information, ni un départ précipité.
Enfin, la Cour de cassation a affirmé que le salarié, qui n’était pas le seul de l’agence à être envoyé en grand déplacement, ne démontrait pas en quoi cette affectation temporaire entravait son mandat de représentant du personnel ou portait une atteinte excessive à ses impératifs personnels.
En conséquence, quand bien même le déplacement envisagé amenait le salarié à sortir de son secteur d’activité, il consistait seulement en l’exercice normal de son contrat et ne s’analysait pas en un changement des conditions de travail, de sorte que son accord n’était pas nécessaire.
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Cour de cassation, chambre sociale, 11 septembre 2024, n° 23-14.627 (le déplacement provisoire d'un salarié protégé, même en dehors de son secteur d'activité, demeurait exceptionnel et ne s'analysait pas en un changement de ses conditions de travail, de sorte que son accord n'était pas nécessaire)
Juriste et autrice en droit social
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