Formation professionnelle : les principales nouveautés issues de la loi du 5 mars 2014
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L’objet de ce dossier s’attachera à analyser les changements apportés en matière de formation professionnelle et, spécialement, les dispositifs qui ont retenu notre attention : le compte personnel formation et le nouvel entretien professionnel. Il convient toutefois de rappeler que la réforme de la formation professionnelle s’inscrit dans le cadre d’une réforme globale : réduction de la contribution des employeurs à la formation professionnelle continue, nouvelles règles de gouvernance concernant les organismes collecteurs et tentative de rationalisation de l’offre de formation professionnelle continue.
Ce dossier est également l’occasion de présenter les aménagements relatifs au plan de formation et de rappeler certaines règles fondamentales et stratégiques pour permettre aux représentants des salariés d’aborder plus efficacement ce sujet, qui a encore du mal à s’implanter et qui donne rarement lieu à une discussion argumentée entre le comité d’entreprise et l’employeur.
Le compte personnel de formation
Le compte personnel de formation (CPF) est un dispositif qui permet à tout salarié de capitaliser des heures de formation, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à son départ en retraite. Le CPF est amené à remplacer le droit individuel à la formation (DIF) à compter du 1er janvier 2015.
A / Du DIF au CPF : l’amélioration globale du droit à formation
1. Le constat de l’inefficacité du DIF
Le CPF a pour objectif principal d’améliorer la portabilité et la transférabilité des droits à formation des salariés à savoir que les salariés ne doivent plus perdre leur droit acquis à formation quand ils changent d’employeur ou lorsqu’ils connaissent une période de chômage.
En effet, la mise en œuvre du DIF lors de la rupture du contrat de travail obéit à des règles quelque peu complexes.
Ainsi, à l’heure actuelle, pour mettre en œuvre le DIF au moment de la rupture du contrat de travail, il existe 2 régimes juridiques différents selon que le salarié démissionne ou est licencié. Dans le premier cas, la demande de formation nécessite l’accord de l’employeur, dans le second, la demande s’impose à lui. Par ailleurs, le salarié a l’obligation de formuler cette demande avant la fin du préavis, à défaut, les heures capitalisées au titre du DIF sont perdues. Plus encore, en cas de démission, l’action de formation doit avoir débuté avant la fin du préavis.
Il existe également une possibilité de mettre en œuvre le DIF après la rupture du contrat de travail, en priorité pendant la prise en charge du demandeur d’emploi par le régime d’assurance chômage, en accord avec le référent chargé de son accompagnement, au cours de la première moitié de la période d’indemnisation du chômage. Il est également possible d’utiliser son reliquat d’heures de DIF, auprès d’un nouvel employeur pendant les deux années suivant l’embauche, si, et seulement si, ce dernier donne son accord.
Force est de constater que la mise en œuvre du DIF en cas de rupture du contrat de travail n’est pas aisée et, en pratique, les salariés dont le contrat de travail est rompu perdent actuellement leur droit à formation. Il faut également rappeler que le taux d’utilisation actuel du DIF au cours de la relation de travail approche à peine les 4 à 6 %.
Par ailleurs, à l’heure actuelle, l’ouverture du DIF n’intervient que lorsqu’un salarié conclut un contrat de travail, étant précisé que les apprentis et salariés en contrat de professionnalisation sont exclus du dispositif. De plus, une ancienneté minimale est actuellement requise (1 année pour un CDI et 4 mois consécutifs ou non au cours des 12 derniers mois pour les CDD) pour cumuler des heures au titre du DIF.
2. Un nombre de bénéficiaires plus important
À compter du 1er janvier 2015, un compte personnel formation pourra être ouvert à toute personne, âgée d’au moins 16 ans et qui est :
- soit salariée ;
- soit inscrite comme demandeur d’emploi ;
- soit accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelle (par exemple un contrat de professionnalisation) ;
- soit handicapée et accueillie dans un établissement ou service d’aide par le travail.
La loi n’opère aucune distinction entre les salariés en CDI, en CDD ou en contrat de travail temporaire (intérim).
Attention toutefois : l’ouverture du compte personnel formation ne signifie pas que son titulaire acquière automatiquement des heures de formation. En effet, la loi n’a pas prévu que le compte soit abondé pendant les périodes de chômage (indemnisées ou non). En conséquence, pour capitaliser des heures, encore faut-il être lié à un employeur par un contrat de travail (ou d’apprentissage ou de professionnalisation).
Enfin, le CPF est fermé lorsque la personne est admise à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite (Code du travail, art. L. 6111–1 et L. 6323–1).
3. Un capital d’heures de formation relevé
a- Un capital de 150 heures
Sur le modèle du DIF, tout salarié acquiert progressivement des heures de formation sur son compte, au cours de l’exécution de son contrat de travail. Comme en matière de DIF, le cumul est plafonné, mais a été relevé à 150 heures pour le CPF contre 120 heures pour le DIF actuel.
Plus précisément, le CPF sera alimenté de la manière suivante (Code du travail, art. L. 6323–11) :
- 24 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un capital de 120 heures ;
- puis 12 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’atteinte du plafond de 150 heures.
Le plafond est donc atteint, pour un salarié à temps complet, au bout de 7 ans et demi.
La loi précise que le compte du salarié est crédité à la fin de chaque année.
Les droits à formation pour des années incomplètes ou en cas de temps partiel sont calculés à due proportion du temps de travail effectué, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par voie d’accord collectif.
Comme pour le DIF, certaines périodes d’absence du salarié seront intégralement prises en compte pour le calcul des heures acquises : congé maternité, de paternité, et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale, de soutien familial, un congé parental d’éducation, les absences dues à une maladie professionnelle ou un accident du travail.
b- Des abondements complémentaires possibles
La loi prévoit des hypothèses d’abondements complémentaires, facultatifs ou obligatoires, qui ne seront pas pris en compte pour le calcul des heures qui sont créditées sur le compte du salarié chaque année (24 h ou 12 h par an) ni pour l’appréciation du plafond de 150 heures. En pratique, le solde des heures du CPF pourra donc être largement supérieur à 150 heures. Le compte personnel de formation pourra être complété de trois manières :
- lorsque la durée de la formation est supérieure au nombre d’heures inscrites sur le compte, celui-ci peut faire l’objet, à la demande de son titulaire, d’abondements en heures complémentaires pour assurer le financement de cette formation. Cet abondement complémentaire pourra être financé par l’employeur, le titulaire du CPF lui-même, un OPCA ou différentes institutions publiques (Code du travail, art. L. 6323–4).
- des accords d’entreprise, de groupe, de branche ou les organisations syndicales de salariés et d’employeurs signataires de l’accord constitutif d’un OPCA interprofessionnel auront la possibilité de prévoir des abondements supplémentaires. Ces accords devront définir les formations éligibles et les salariés prioritaires (en particulier les salariés les moins qualifiés, les salariés exposés à des facteurs de pénibilité, les salariés occupant des emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques et les salariés à temps partiel) (Code du travail, art. L. 6323–14) ;
- dans les entreprises d’au moins 50 salariés, un abondement « correctif » de 100 à 130 heures est prévu en cas de manquement de l’employeur à la mise en oeuvre du nouvel entretien professionnel obligatoire ou en l’absence d’évolution professionnelle du salarié pendant 6 ans (Code du travail, art. L. 6323–13).
4. la portabilité et la transférabilité intégrale du CPF
Les heures de formation inscrites sur le compte resteront acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire. Le compte suivra ainsi son titulaire tout au long de sa vie professionnelle jusqu’à la retraite, sans préjudice d’un licenciement, d’une démission suivie ou non d’une période de chômage. Il s’agit ici d’une différence majeure avec le DIF.
Rappelons que lorsque le salarié utilise son DIF pendant son préavis, le solde d’heures du DIF est converti en une somme (9,15 € / heure) qui sert à financer une action de formation. À titre d’illustration, 120 heures de DIF donnent un crédit de 1.098 €, ce qui est loin de permettre de financer 120 heures de formation. À l’inverse, le salarié qui souhaitera mobiliser les 150 heures de formation de son CPF au moment de la rupture de son contrat de travail pourra bénéficier d’une formation d’une durée strictement équivalente.
On notera enfin que le titulaire du CPF ne perdra pas les heures acquises en cas de licenciement pour faute lourde, à l’inverse de ce qui est prévu dans le cadre du DIF.
B / La mise en œuvre du CPF : l’absence de progrès majeurs
En premier lieu, la loi énonce que « le compte [personnel de formation] ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire. Le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute » (Code du travail, art. L. 6323–3).
En effet, la loi a prévu que ce dispositif est strictement à l’initiative du salarié, comme c’est le cas pour l’actuel DIF. Toutefois, la mise en oeuvre du DIF nécessite l’accord de l’employeur, ce qui prive bien souvent le salarié d’un véritable droit à formation. Malheureusement, le CPF n’échappe à cette règle de principe.
1. Les formations éligibles
Seules les formations suivantes pourront être suivies :
- formations permettant d’acquérir le « socle de connaissances et de compétences », défini par décret à paraître ;
- formations permettant d’accéder à une certification professionnelle figurant sur une des listes de formations élaborées au niveau national, interprofessionnel et régional par les protagonistes sociaux ;
- accompagnement à la validation des acquis de l’expérience, dans des conditions à préciser par décret.
À l’heure actuelle, il est difficile de déterminer précisément les actions de formation susceptibles d’être mises en oeuvre par le CPF. Le gouvernement actuel laisse entendre qu’il s’agira de formations « en lien direct avec les besoins de l’économie ». Surtout, il apparaît clairement que le nouveau dispositif met l’accent sur les formations dites « certifiantes ». Il a par ailleurs été prévu un renforcement du contrôle des prestataires et des formations qu’ils dispensent.
Pour améliorer la lisibilité du dispositif, un outil spécifique d’information a été créé, ce qui devrait permettre aux salariés de connaître précisément les formations éligibles.
Ce service permettra au titulaire du compte d’accéder à un espace personnel lui permettant :
- de connaître le nombre d’heures créditées, les formations éligibles, ainsi que les abondements supplémentaires pouvant être sollicités ;
- d’élaborer et d’actualiser un « passeport d’orientation, de formation et de compétences » (consultable uniquement par le titulaire) recensant les formations suivies et les qualifications obtenues dans le cadre de sa formation initiale ou continue, ainsi que les acquis de l’expérience professionnelle, selon des modalités à déterminer par décret.
En pratique, les droits au CPF seront calculés à partir des données déclarées par les employeurs dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) et, à terme, dans la déclaration sociale nominative (DSN) (CSS, art. L. 133–5–3 et L. 133–5–4).
2. La mobilisation du compte pendant le temps de travail
a- L’accord obligatoire de l’employeur
Les formations suivies par le salarié pendant tout ou partie du temps de travail nécessitent l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation. L’employeur devra lui notifier sa réponse dans des conditions et délais fixés par décret. L’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation.
Comme en matière de DIF, l’employeur peut donc refuser le départ en formation, sans justification particulière.
b- Les exceptions à l’accord préalable de l’employeur
- formation qui vise à l’acquisition du « socle de connaissances et de compétences » ou l’accompagnement à la VAE ;
- formation financée au titre des heures acquises à la suite d’un abondement correctif dans les entreprises d’au moins 50 salariés prévu à l’article L. 6323–13 du code du travail ;
- les accords de branche, d’entreprise ou de groupe pourront prévoir d’autres cas de formation sur le temps de travail sans l’accord de l’employeur.
Faiblesse du dispositif, le salarié devra obligatoirement obtenir l’accord de l’employeur non pas sur le contenu, mais sur le calendrier, ce qui en pratique ne sera pas sans poser de difficultés…
c- Rémunération et prise en charge des coûts de formation
Les heures de formation pendant le temps travail sont considérées comme du temps de travail effectif et donnent lieu au maintien par l’employeur de la rémunération du salarié.
Les frais pédagogiques et annexes à la formation sont pris en charge dans la limite du nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation par l’OPCA collectant la contribution obligatoire de l’entreprise, dans des conditions déterminées par décret à paraitre. Toutefois, ces frais devront être pris en charge directement par l’employeur en cas d’accord collectif d’entreprise relatif au financement et à l’abondement du compte personnel de formation.
Cet accord permet à l’employeur de réduire sa contribution à la formation professionnelle continue à 0,8 %. Si celui-ci n’utilise pas ou pas complètement le 0,2 %, il devra reverser la différence à l’OPCA.
3. Mobilisation du compte hors temps de travail
Les formations financées par le CPF ne sont soumises ni à l’accord ni même à l’information de l’employeur lorsqu’elles sont suivies en dehors du temps de travail. Les frais pédagogiques sont pris en charge par l’organisme collecteur (OPCA). Contrairement au cas prévu pour le DIF à l’article L. 6323–14 du Code du travail, le salarié ne bénéficie alors d’aucune allocation ou indemnisation.
Toutefois, si un accord collectif prévoit que l’employeur consacre au moins 0,2 % au financement et à l’abondement du CPF, ce dernier devra prendre en charge les frais pédagogiques de formation du salarié (jusqu’à épuisement du 0,2 %). Le salarié devra alors effectuer une demande auprès de son employeur et on s’interroge alors sur la capacité de refus de l’employeur et les recours possibles du salarié.
À noter que des règles spécifiques sont prévues en cas de mobilisation du CPF par les demandeurs d’emploi.
Retrouvez la suite de cet article relative à l’entretien professionnel obligatoire et au plan de formation dans ce document :
Article rédigé par
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