L’impact des réorganisations sur la représentation des salariés

Publié le 03/04/2009 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:19 dans Fonctionnement des RP.

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Les réorganisations (ou restructurations) sont souvent un mode de gestion permanent, d’autant que la « crise économique » est souvent, avec un certain opportunisme, invoquée. A côté des enjeux liés à l’emploi et aux conditions de travail, elles sont parfois également de nature à perturber la représentation des salariés : sa composition, son périmètre, voire son existence même, à un moment où l’expression et la prise en compte de l’intérêt des salariés sont particulièrement cruciales.
La structure de la représentation

L’établissement est le cadre d’implantation des DS, DP, CHSCT et comités d’établissements. Son périmètre n’est pas nécessairement le même pour chaque instance. Il correspond à « une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des réclamations ou revendications communes et spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant de l’employeur », sur un ou plusieurs sites atteignant les seuils d’effectif requis.

Pour les comités d’établissements, l’établissement peut ne pas atteindre le seuil d’effectif mais doit disposer d’une certaine autonomie de gestion.

L’entreprise correspond à la société tout entière.

  • Soit il s’agit d’un niveau unique, lorsqu’aucune division de la société ne répond à la définition de l’établissement (DS, DP, CHSCT, CE).
  • Soit il s’agit d’un niveau central lorsque la société est divisée en établissements (DS central, CCE).

L’UES correspond à plusieurs sociétés considérées comme une seule entreprise si elles disposent de liens suffisamment étroits de direction et d’activité et s’il existe une communauté de travail entre l’ensemble des salariés. L’UES peut, comme l’entreprise, être divisée en établissements qui correspondent ou non aux différentes sociétés.

Le groupe dépend du contrôle (par exemple, possession directe ou indirecte de plus de 50% du capital) ou de l’influence dominante (par exemple, nomination de plus de la moitié des membres des organes dirigeants) d’une société sur d’autres. Le périmètre du groupe permet seulement la mise en place d’un comité de groupe. Chaque société du groupe conserve par ailleurs sa propre structure de représentation.


… face aux réorganisations

Pour déterminer quelles conséquences juridiques entraîne une restructuration sur la représentation, on peut commencer par en distinguer deux formes :

  • Les réorganisations internes à l’entreprise : transferts de salariés d’un établissement à un autre, création, disparition, filialisation d’établissement… ;
  • Les réorganisations impliquant plusieurs entreprises : externalisation d’établissement d’une entreprise à une autre, fusion de deux entreprises en une nouvelle entreprise, absorption d’une entreprise par une autre, entrée ou sortie de l’entreprise du périmètre d’un groupe…

Ces réorganisations peuvent affecter les mandats en vigueur dans les entreprises en cause de deux manières :

  • Par leurs conséquences sur l’effectif;
  • Et/ou par leurs conséquences sur le cadre de la représentation : sa disparition ou sa modification.

Rappelons qu’en tout état de cause :

  • Les institutions peuvent être mises en place en dehors des conditions légales par accord collectif ;
  • Les DP peuvent être amenés à exercer les attributions des CE et CHSCT lorsque ces derniers disparaissent ;
  • La négociation est désormais ouverte aux élus, voire à des salariés mandatés, en l’absence de DS.


Variation des effectifs

L’effectif du cadre d’implantation conditionne :

  • L’existence même de l’institution (11 salariés pour les DP, 50 pour les CHSCT, CE et DS) ;

    Exemple :
    Le comité de groupe n’obéit à aucun seuil d’effectif.

  • La structure des mandats : possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel (moins de
  • 200 salariés), possibilité de désigner un représentant syndical au CE distinct du DS… ;
  • Le nombre des mandats et sièges à pourvoir ;
  • Le montant du budget de fonctionnement du CE ;
  • L’existence et le contenu de certaines obligations et de certains droits du CE et du CHSCT…

La variation d’effectif produit immédiatement ses effets sur les droits des représentants (information consultation, rapports, expertises, formations, budget…).

Sur les mandats, les effets de la variation d’effectif dépendent de l’institution en cause :

  • Disparition des DP. La diminution de l’effectif en deçà de 11 salariés pendant au moins 12 mois, consécutifs ou non, sur les 3 dernières années a pour seule conséquence le non renouvellement des mandats à leur terme ;
  • Disparition des CE et DS. La diminution de l’effectif en deçà des seuils légaux peut entraîner la fin des mandats de CE (art. L. 2322–7) et de DS (art. L. 2143–11), même en cours de mandat, par accord entre le chef d’entreprise et l’ensemble des syndicats représentatifs ou, à défaut, sur autorisation du directeur départemental du travail (DDTEFP) si la réduction d’effectif est importante et durable et en fonction de considérations d’opportunité.

Attention :
En cas de disparition de l’entreprise, le CE doit procéder à la dévolution de ses budgets et biens :
  • soit au profit d’un autre comité, notamment si la majorité des salariés est transférée ;
  • soit au profit d’institutions sociales d’intérêt général, conformément autant que possible, aux vœux des salariés ;
  • en aucun cas au profit des salariés ou des membres du comité.

En cas de fermeture d’établissement, les biens du comité doivent être affectés aux comités de l’entreprise ou de l’établissement dans lesquels les salariés sont transférés.


Réorganisations internes

La création d’un nouvel établissement :
  • Entraîne la mise en place des institutions d’établissement et des institutions centrales au niveau de l’entreprise ou l’élection, à l’intérieur du nouveau comité d’établissement, de ses représentants au CCE s’il existe déjà (ce qui peut impliquer une nouvelle répartition des sièges entre les établissements par accord unanime ou décision du DDTEFP) ;
  • N’entraîne pas la remise en cause des DS désignés au niveau de l’entreprise. Mais le syndicat ne peut pas désigner un DS d’établissement en plus : il doit transformer le mandat en mandat d’établissement par une nouvelle désignation. Dans les entreprises de moins de 2 000 salariés, un des DS d’établissement sera désigné comme DS central ; dans les autres, un DS central supplémentaire peut être désigné (art. L. 2143–5).

La perte de la qualité d’établissement, et la fin des mandats qui y sont liés, procède d’un accord entre le chef d’entreprise et l’ensemble des syndicats représentatifs ou par décision du DDTEFP. Ils peuvent être prorogés jusqu’à leur fin par accord collectif (art. L. 2322–5 pour le CE, L. 2314–31 pour les DP). La disparition du comité d’établissement le retire de la composition du CCE.

La filialisation d’un établissement s’analyse comme le transfert de l’établissement de la société à laquelle il appartenait vers la société qu’il est devenu.

Attention :
Les liens entre la société d’origine et l’établissement devenu une société peuvent justifier la reconnaissance d’une UES dont la carte sociale peut être identique à la précédente (entreprise à plusieurs établissements) ou bien la mise en place d’un comité de groupe.

Société et groupe.
  • Entrée dans un groupe. La nouvelle filiale sera prise en compte dans la composition du comité de groupe lors des élections suivantes (art. L. 2331–2).
  • Sortie d’un groupe. La filiale sort immédiatement du comité de groupe (art. L. 2331–3).
  • Nouvelle société dominante. A notre avis, cette situation s’analyse comme la disparition de l’ancien groupe (donc du comité de groupe) et la création d’un nouveau (donc d’un nouveau comité de groupe).


Sort des mandats de l’entité transférée

Si l’entité transférée conserve une certaine autonomie, appréciée en termes d’autonomie de gestion, économique et sociale, et non du strict point de vue juridique, comme pour le transfert automatique des contrats de travail, les mandats de représentation sont maintenus :

  • Transfert de l’entreprise non divisée en établissements ou transfert d’une partie des établissements de l’entreprise : les mandats sont maintenus jusqu’à leur terme (art. L. 2143–10 pour les DS, L. 2324–26 pour le CE et L. 2314–28 pour les DP).


    Attention :

    Les DS de l’entité absorbée sont maintenus mais, compte tenu des nouvelles règles de la loi du 20 août 2008, ils prendront fin à l’issue des élections suivantes si le syndicat ne parvient pas à obtenir les 10% de suffrages au 1er tour des élections de titulaire CE nécessaires pour être reconnu représentatif. Le DS à maintenir devra avoir été candidat DP ou CE, titulaire ou suppléant, et avoir personnellement recueilli 10% des suffrages.

    Il peut être convenu, par accord avec les syndicats de la société absorbée (ou à défaut avec les intéressés) de modifier la durée des mandats de CE et DP pour tenir compte de la date des élections dans la société d’accueil.
  • Transfert d’une entreprise divisée en établissements : les mandats centraux sont également maintenus (art. L. 2143–10 pour les DS centraux et L. 2327–11 pour le CCE).


Carte sociale de l’entité d’accueil

Si l’entreprise ou l’établissement perd son autonomie, les mandats cessent immédiatement et sans procédure particulière. Ses salariés sont rattachés aux institutions de la société absorbante (ou d’un de ses établissements) qui ne sont aucunement mis en cause.

Lorsque l’entité transférée conserve son autonomie, et donc ses mandats, la carte sociale de l’entreprise d’accueil va nécessairement s’en trouver modifiée.

Si elle ne possède pas déjà de représentants, ils doivent être mis en place. La carte sociale sera définie dans le cadre de la négociation préélectorale ou, à défaut, par décision du DDTEFP. Elle devra prévoir une éventuelle modification de la durée des mandats maintenus pour tenir compte de la date des élections.

Attention :
La participation des syndicats à la négociation préélectorale et au 1er tour sera soumise aux nouvelles règles de la loi du 20 août 2008, différentes selon qu’il s’agit de la première négociation préélectorale depuis le 22 août 2008 ou pas.

S’il s’agit d’une entreprise disposant de représentants, les institutions centrales doivent être mises en place ou modifiées.

  • DS centraux : les syndicats peuvent les désigner dans les conditions de droit commun.

  • Composition du CCE :
  • Si l’entité absorbée est une entreprise : son CE désigne 2 représentants titulaires et suppléants au CCE même si cela conduit à dépasser le nombre maximum de membres. Cette situation ne peut durer plus d’un an.
  • Si l’entité absorbée est un établissement : les représentants du comité d’établissement au CCE de l’entreprise cédante deviennent représentants au CCE de l’entreprise d’accueil.
  • S’il n’existait pas de CCE dans l’entreprise d’accueil, son CE devient un comité d’établissement. A défaut de précision légale, on peut supposer que la composition du CCE obéit aux conditions de droit commun : un accord entre le chef d’entreprise et l’ensemble des syndicats représentatifs ou, à défaut, une décision du DDTEFP.


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