L’annulation de l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé : quelles conséquences en droit ?

Publié le 30/09/2022 à 09:33 dans Protection des RP.

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L’employeur ne peut licencier un salarié protégé sans autorisation administrative préalable délivrée par l’inspection du travail. Cette protection a notamment pour objectif de permettre de s’assurer que la décision envisagée par l’employeur est étrangère à l’exercice normal de son mandat par le salarié. Néanmoins, l’autorisation administrative délivrée reste susceptible d’un recours en annulation. Une telle annulation emporte différentes conséquences.

Un droit à indemnisation automatique

Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié protégé a, en tout état de cause, droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi :

  • soit au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision ;
  • soit au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de 2 mois s'il n'a pas demandé sa réintégration (Code du travail, art. L. 2422-4).

Ce paiement :

  • s’accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ;
  • intervient sous déduction des pensions de retraite perçues pendant la même période, sauf si le salarié atteint, avant cette date, l'âge légal de mise à la retraite d'office (Cass., soc., 8 juillet 2020, n° 17-31.291) ;
  • entraîne, pour le salarié, une obligation de rembourser les allocations de chômage, alors indûment versées par l'organisme d'assurance au titre de cette période d’éviction indemnisée en ce que le salarié n’est pas fondé à cumuler les allocations de chômage avec ses rémunérations ou une indemnité équivalente à celles-ci (Cass., soc., 19 novembre 2014, 13-23.643).

En outre, le salarié pourra également prétendre au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, et enfin au paiement de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse, le cas échéant.

Ce droit à indemnisation constitue donc la conséquence automatique de l’annulation de l’autorisation administrative de licencier. En revanche, la Cour de cassation, conformément aux dispositions légales, applique un régime différent à la réintégration susceptible de faire suite à l’annulation d’une décision administrative de licencier.

Un droit à réintégration conditionné

En cas d’annulation de la décision de l'inspection du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé, ce dernier a le droit, s'il le demande à l’employeur dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent (C. trav., art. L. 2422-1).

Dès lors, si l’indemnisation revêt un caractère automatique, la réintégration, quant à elle, requiert d’être sollicitée par le salarié dans un délai de 2 mois à peine de forclusion. Aussi, l’annulation de l’autorisation administrative de licencier n’emporte pas à elle seule réintégration automatique du salarié.

En l’espèce, une salariée protégée a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement après autorisation administrative de l’inspection du travail. Cette autorisation a ensuite été annulée par le ministre du Travail. La salariée pensait, de ce seul fait, être réintégrée dans ses fonctions, sans formalité.

A tort a jugé la Cour de cassation qui, en reprécisant les règles d’indemnisation, rappelle également qu’il est constant que, « l’annulation de l'autorisation administrative de licenciement par l'autorité hiérarchique ne laisse rien subsister de celle-ci, peu important l'annulation ou la déclaration d'illégalité ultérieure par la juridiction administrative de la décision de l'autorité hiérarchique ». Ce faisant, même l’annulation par le juge, d’une décision prise par le ministre d’annuler l’autorisation administrative de licencier, n’a pas pour effet de « réactiver » ladite autorisation.

La réintégration est ainsi de droit, mais en application des dispositions légales, les juges en conditionnent le bénéfice à une demande du salarié formulée dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision prise d’annuler l’autorisation de licencier. Aussi, le juge ne peut ici se substituer à la loi et ordonner une réintégration non sollicitée par le salarié dans les conditions légales susvisées.

Notez le

Pour des questions de preuve, bien que la loi n’impose aucun formalisme particulier, la lettre recommandée reste de mise afin de conférer date certaine à la demande de réintégration.

Cour de cassation, chambre sociale, 6 juillet 2022, n° 21-13.225 (le salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, ne peut prétendre de ce seul fait à l'annulation du licenciement)

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Florent Schneider

Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés