Le droit d’alerte du CSE en cas d’atteinte aux droits des personnes
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Le droit d’alerte du CSE : une « attribution » à géométrie variable
Face à certaines situations, le CSE dispose de prérogatives visant à alerter l’employeur compte tenu des anomalies et des effets néfastes qu’elles peuvent engendrer. En fonction de la taille de l’entreprise, le Code du travail reconnaît au CSE un droit d’alerte :
- en cas de danger grave et imminent (Code du travail, art. L. 2312-5 et L. 2312-60)
- en matière de santé publique et d’environnement, (C. trav., art. L. 2312-5 et L. 2312-60)
- en matière économique, notamment face à une situation susceptible d’affecter de manière prépondérante la situation économique (C. trav., art. L. 2312-63 à L. 2312-69) ;
- en matière sociale, notamment suite à des recours trop importants aux CDD et contrats temporaires (C. trav., art. L. 2312-70 à L. 2312-71) ;
- en cas d’atteinte aux droits des personnes (C. trav., art. L. 2312-5 et L. 2312-59).
Concernant ce dernier, le législateur prévoit que si un membre de la délégation du personnel au CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur.
Nonobstant sa codification dans une sous-section intitulée « droit d’alerte », la lettre du texte, dont le spectre d’application demeure assez large, pourrait davantage être interprétée comme un devoir plutôt qu’un véritable droit d’alerte, sans pour autant assortir de sanction directe l’inertie du CSE.
En outre, la loi précise, sans être exhaustive, que des faits de harcèlement sexuel ou moral ou toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement., constituent des formes d’atteintes aux droits des personnes qui peuvent justifier l’alerte de l’employeur par le CSE.
Le droit d’alerte du CSE : des obligations patronales inflexibles
L’alerte initiée en cas d’atteinte aux droits des personnes oblige l’employeur à se montrer diligent en procédant sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du CSE et à prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. In fine, c’est une obligation de résultat que le législateur met à la charge de l’employeur.
En cas de carence de ce dernier ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et, à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le membre du CSE si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte (C. trav., art. L. 2312-59 ou L. 2313-2 ancien)
C’est ainsi que l’employeur est tenu d’appliquer strictement les dispositions susvisées au risque de se voir condamner comme en témoigne l’affaire jugée le 3 mars 2021.
Au cas d’espèce, un membre de la délégation du personnel (ancien CSE) a alerté l’employeur sur le caractère discriminatoire que revêtait une charte de bonnes pratiques édictée en matière de déplacement des représentants du personnel.
A la suite de cela, l’employeur, sans avoir diligenté d’enquête, estimait toutefois avoir rempli son obligation en ayant apporté au délégué du personnel toutes les explications permettant de démontrer que cette charte n’était pas discriminatoire.
Considérant la réaction de l’employeur comme insuffisante, le délégué du personnel saisit le juge, notamment afin qu’il ordonne toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte.
A bon droit répond la Cour de cassation qui, en se livrant à une analyse littérale de la loi, retient que les conditions de la procédure d'alerte étaient bien réunies en raison de la discrimination syndicale subie par le salarié et que l'employeur n'avait pas procédé à l'enquête légalement prévue, privant ainsi d'effet l'alerte mise en œuvre et empêchant toute discussion dans l'entreprise.
Dès lors, pour les juges, les seules explications fournies par l’employeur n’étaient pas suffisantes pour lui permettre de satisfaire à son obligation légale, laquelle impliquait de procéder stricto sensu à une véritable enquête de concert avec le délégué du personnel.
Ce faisant, la carence de l’employeur était pleinement caractérisée justifiant d’une part l’action en justice du délégué du personnel et d’autre part la condamnation de la société pour non-respect des règles régissant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
A la marge, il peut être souligné que le seul constat d’une atteinte avérée aux droits des personnes a suffi aux juges pour en déduire que les « conditions de la procédure d’alerte étaient bien réunies ». Ceci permet de rappeler que, contrairement au droit d’alerte exercé en cas de danger grave et imminent par exemple, aucun autre formalisme particulier n’est requis en matière d’alerte liée à l’atteinte aux droits des personnes.
Cour de cassation, chambre sociale, 3 mars 2021, n° 19-23.305 (l’alerte signifiée par le CSE en cas d’atteinte aux droits de personnes oblige l’employeur à procéder sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel et à prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. Des explications fournies par l’employeur au CSE ne suffisent pas à satisfaire cette obligation légale)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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