Liberté d’expression des salariés : attention aux abus
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La jurisprudence de ces derniers mois a remis sur le devant de la scène le principe de liberté d’expression des salariés, en rappelant qu’il s’agit d’un droit fondamental qui peut s’exercer dans l’entreprise et doit être garanti. Cette liberté connaît néanmoins certaines limites y compris pour les représentants du personnel.
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La liberté d’expression : un droit protégé par les juges
Dans une affaire récente, une salariée, déléguée syndicale, avait adressé à l’ARS (autorité de tutelle de l’association qui l’employait) un courrier dans lequel elle dénonçait les projets de la directrice de l’établissement, estimant qu’ils auraient un impact négatif sur les conditions de travail des salariés et la qualité de l’accueil des résidents. Ce courrier avait valu à la salariée une mise à pied disciplinaire.
Pour annuler cette sanction, les magistrats rappellent d’une part que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (Code du travail, art. L. 1121-1), et d’autre part que le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l'exercice de son mandat pendant son temps de travail. Ils auraient également pu invoquer les articles 11 et 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui garantissent respectivement la liberté d’expression et la liberté syndicale.
Cependant, la Cour de cassation rappelle dans cette décision que les libertés ne sont pas sans limite dans l’entreprise.
La liberté d’expression : des limites à ne pas franchir
Les juges saisis d’un contentieux doivent opérer un contrôle de proportionnalité entre la restriction et l’objectif poursuivi et s’assurer que le salarié n’a pas commis d’abus dans l’exercice de son droit. Dans l’affaire du courrier de dénonciation, ils relèvent que la lettre ne comportait aucun élément injurieux, abusif ou excessif et que l'employeur ne démontrait pas la mauvaise foi de la salariée. La sanction disciplinaire n’était donc aucunement justifiée.
Dans d’autres espèces, le même contrôle a pu conduire les juges à conforter la sanction : dans une affaire où un animateur de télévision avait tenu, sur le ton de l’humour et en direct, des propos outrageusement sexistes, le licenciement a été validé au motif que la restriction à la liberté d’expression était justifiée par l’objectif de lutte contre les violences faites aux femmes (Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-10.852).
Plus récemment il a aussi été jugé que des propos racistes et sexistes tenus par un salarié protégé constituent une faute d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement (voir notre article « Salarié protégé : des propos racistes et sexistes peuvent-ils justifier un licenciement ? »).
Cour de cassation, chambre sociale, 28 septembre 2022, n° 21-14.814 (sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Par ailleurs, le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l'exercice de son mandat pendant son temps de travail)
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