Licenciement du salarié protégé : quand apprécier l’existence du statut protecteur ?

Publié le 09/06/2023 à 09:32, modifié le 12/06/2023 à 10:22 dans Protection des RP.

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Candidats, salariés demandant l’organisation des élections professionnelles ou salariés investis de mandats représentatifs, tous bénéficient d’une protection exceptionnelle. Celle-ci implique pour l’employeur, à condition d’avoir été informé de ce statut protecteur, d’obtenir l’autorisation administrative de l’inspection du travail pour licencier l’un de ces salariés. Mais à quelle date de la procédure faut-il se placer pour apprécier la nécessité ou non de solliciter ladite autorisation ?

Appréciation du statut protecteur : la date d’envoi de la convocation pris comme critère déterminant

Dans cette affaire, un salarié investi d’un mandat de délégué du personnel suppléant jusqu’au 7 octobre 2016 s’est également porté candidat suppléant aux élections professionnelles, en date du même jour.

Ce faisant, tant au titre de sa candidature que de sa fin de mandat, ce salarié bénéficiait d’une protection contre le licenciement d’une durée de 6 mois, laquelle expirait au 7 avril 2017. Or :

  • par lettre du 1er février 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement fixé le 9 février 2017 ;
  • par décision du 11 avril 2017, l'inspection du travail a refusé d'autoriser le licenciement ;
  • par lettre du 28 avril 2017, le salarié a été licencié pour faute grave, mesure que ce dernier a par la suite contesté en justice et tenté de faire annuler.

A hauteur d’appel, l’employeur a pu faire confirmer par les juges qu’il avait bien retrouvé le droit de licencier ce salarié sans autorisation de l'autorité administrative dans la mesure où celui-ci n'était plus protégé au moment où l'autorité administrative a rendu sa décision, soit le 11 avril 2017.

A tort a jugé la Cour de cassation qui rappelle que, de jurisprudence désormais constante, l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection légale à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

Or, le salarié avait été convoqué le 1er février 2017 à un entretien préalable au licenciement, là où la période de protection légale expirait le 7 avril 2017.

Il en résultait donc qu'à la date d'envoi de la convocation à l‘entretien préalable, le salarié bénéficiait encore du statut protecteur et ce nonobstant la date de notification du licenciement ou celle de la décision de l’autorité administrative, intervenues toutes deux après le terme de la protection.

Dès lors l’employeur ne pouvait procéder au licenciement du salarié en l’état au risque de voir la mesure entachée de nullité pour violation du statut protecteur.

Appréciation du statut protecteur : vigilance sur les tentations de détournement de procédure

En réponse à cette jurisprudence et, lorsque la connaissance par l’employeur de faits susceptibles de justifier un licenciement est proche du terme de la protection, la tentation peut être grande d’optimiser les délais en ne convoquant le salarié qu’une fois la période de protection expirée.

Il est acquis qu’un tel raisonnement ne saurait prospérer en justice.

En effet, en agissant de la sorte, l’employeur commettrait un détournement de procédure, fermement condamné par les juges pour qui, est irrégulier le licenciement du salarié prononcé au terme de la période de protection en raison de faits commis pendant cette période et qui auraient dû être soumis à l'inspection du travail.

Toutefois, la persistance du comportement fautif du salarié après l'expiration de la période de protection peut justifier le prononcé d'un licenciement sans autorisation administrative, si ce n'était que postérieurement à l'expiration de ladite période de protection que l'employeur avait eu une exacte connaissance des faits reprochés au salarié commis durant cette période (Cass. soc., 16 février 2022, n° 20-16.171).

Pour tout savoir sur les règles encadrant le statut du salarié protégé, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « CSE ACTIV ».


Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, n° 21-24.175 (l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection légale à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement)

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Florent Schneider

Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés