Licenciement d’un salarié protégé non autorisé : vigilance sur la motivation du refus de l’administration

Publié le 07/04/2023 à 07:22 dans Protection des RP.

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Le licenciement d’un salarié protégé nécessite une autorisation préalable de l’inspection du travail. Or, face à une décision de refus, l’employeur peut-il attendre la fin de la période de protection pour mettre en œuvre son projet ?

Une autorisation de l’administration est obligatoire pour licencier un salarié protégé

Tout salarié investi d’un mandat particulier bénéficie d’une protection contre le licenciement. Multiples sont les mandats concernés. Pour n’en citer que quelques-uns :

  • délégué syndical ;
  • membre de la délégation du personnel du CSE ;
  • représentant syndical au comité social et économique (RS CSE) ;
  • représentant de proximité.

Sachez que cette protection contre le licenciement n’induit absolument pas une interdiction de licencier. Elle signifie précisément que, au cours de la période de protection, la mise en œuvre du licenciement se retrouve soumise à des exigences supplémentaires. On parle alors de procédure « protectrice » ou « de protection ».

Rappel

La période de protection naît au début du mandat et prend fin dans les quelques mois suivants sa cessation.

Ainsi, le licenciement régulier du salarié protégé nécessite notamment la délivrance, par l’inspection du travail, d’une autorisation de licenciement. L’employeur doit alors formuler sa demande après l’entretien préalable et la consultation du CSE le cas échéant.

Pour statuer favorablement sur la demande d’autorisation, l’inspection du travail doit constater :

  • la régularité de la procédure de licenciement ;
  • un motif de licenciement valable ;
  • l’absence de lien entre la mesure de licenciement et le mandat ;
  • l’absence de motif d’intérêt général.

Notez le

L’existence d’un motif d’intérêt général (ex : maintenir la paix sociale ou la représentation du personnel) peut faire échec à une demande d’autorisation alors même que les précédentes conditions sont toutes satisfaites.

A l’inverse, le contrôle réalisé peut parfaitement aboutir à un refus d’autorisation. Cette décision ayant l’effet d’un veto, l’employeur ne peut pas procéder au licenciement du salarié. Pour persister dans cette voie, il peut exercer un recours à l’encontre de cette décision ou, si les motifs du refus sont corrigibles, engager une nouvelle procédure de licenciement.

Le litige à l’origine de cette nouvelle décision faisait état d’une autre pratique. En l’occurrence, un employeur avait reporté la mise en œuvre de son projet à l’issue de la période de protection de sorte à ne pas devoir formuler une nouvelle demande d’autorisation. Mais alors, était-il en droit de le faire ?

Refus de l’autorisation : la motivation est valable au-delà de la période de protection

En l’espèce, une salariée, déléguée du personnel, est déclarée inapte. Une transformation de son poste de travail est alors proposée par le médecin du travail. Pour autant, l’employeur engage une procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Or, sa demande d’autorisation est rejetée par l’inspection du travail et le ministère du Travail au juste motif qu’il n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement.

Seulement, hasard du calendrier, la période de protection de la salariée expire quelques mois après la dernière décision de refus. L’employeur décide donc d’attendre cette échéance pour la licencier. Cette dernière réclame et obtient l’annulation de son licenciement ainsi que sa réintégration.

L’employeur conteste. Selon lui, puisque la salariée n’était plus protégée, il pouvait la licencier sur ce même motif, et ce, malgré les deux refus d’autorisation antérieurs.

Les juges rejettent cet argument.

Cette affaire donne ainsi l’occasion à la Cour de cassation de repréciser un point simple et important : l’employeur ne peut pas détourner la procédure de protection. Or, elle rappelle que ce détournement est manifeste lorsque ce dernier décide, à l'expiration de la période de protection, de licencier sur les mêmes motifs que ceux ayant motivé le refus d'autorisation du licenciement. L’expiration de la période de protection ne permettait aucunement à l’employeur de balayer les décisions de l’administration.

En conséquence, le licenciement de la salariée constituait un trouble manifestement illicite justifiant sa réintégration.

Bon à savoir

Pour la Cour de cassation, ce détournement de procédure est également caractérisé lorsque l’employeur motive un licenciement postérieur à la période de protection sur des faits commis pendant la période de protection qui auraient dû être soumis à l'inspection du travail. A l’inverse, la persistance du comportement fautif du salarié après l'expiration de la période de protection peut justifier le prononcé d'un licenciement sans autorisation de l’inspection du travail.

Pour en savoir davantage sur les règles encadrant le statut du salarié protégé, nous vous proposons notre documentation « CSE ACTIV ».


Cour de cassation, chambre sociale, 22 mars 2023, n° 21-21.561 (le licenciement prononcé pour les mêmes motifs que ceux ayant motivé le refus d'autorisation du licenciement par l’administration du travail constitue un détournement de la procédure de protection)

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Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot