Litige avec un salarié protégé : la compétence du juge judiciaire commence là où celle du juge administratif s’arrête
Temps de lecture : 3 min
Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Mais comment s’articule ce principe de séparation des pouvoirs dans le cadre d’un litige intéressant le droit du travail et plus particulièrement le cas d’un salarié protégé ?
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La compétence limitée de l’ordre administratif
Pour rappel, l’employeur ne peut procéder au licenciement d’un salarié protégé sans requérir l’autorisation préalable de l’autorité administrative. Dans ce cadre, l'inspection du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé.
Les Hauts Magistrats sont venus préciser qu’il appartient à l'administration du travail de contrôler :
- d'une part que les faits sont établis et sont fautifs ;
- d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé.
En revanche, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur.
En illustre l’affaire ci-après.
La compétence étendue de l’ordre judiciaire
En l’espèce, un salarié protégé, dont le dossier disciplinaire comportait déjà deux sanctions, s’est vu notifier après autorisation du ministère du Travail, son licenciement pour faute grave. Le juge administratif a ensuite, dans le cadre du recours contentieux introduit par le salarié face à cette mesure, confirmé le licenciement.
Par la suite, le salarié saisit, cette fois-ci le juge judiciaire, d’une contestation des deux précédentes sanctions disciplinaires prononcées à son encontre. C’est ainsi qu’il obtient des juridictions du fond la condamnation subséquente de l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour sanction abusive d’une part et pour harcèlement moral d’autre part.
Arguant le sacro-saint principe de séparation des pouvoirs, l’employeur fait valoir qu’en autorisant et en confirmant le licenciement, tant l’autorité administrative que le juge administratif avaient nécessairement examiné et, donc implicitement validé, l’ensemble du dossier disciplinaire du salarié de sorte que le juge judiciaire ne pouvait plus revenir sur.
La Cour de cassation, saisie à son tour du litige, rejette ce pourvoi dans la mesure où il n’appartient pas à l’administration de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur dans le cadre de l’autorisation de licenciement qu’elle est susceptible de délivrer. C’est ainsi que cette dernière ne fait donc pas obstacle :
- à ce que ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces sanctions ;
- à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En la matière, ce qui ne relève pas de la compétence de l’ordre administratif relève ipso facto de celle de l’ordre judiciaire.
Notez le
En cas de conflit de compétence entre une juridiction administrative et judiciaire, le Tribunal des conflits peut être saisi pour résoudre la situation et éviter ainsi tout déni de justice.
Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2023, n° 21-19649 (dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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