Nécessité de l’expertise : l’employeur ne peut plus la contester passé un certain délai

Publié le 27/10/2023 à 08:29 dans Comité social et économique (CSE).

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Lorsque vous décidez de vous faire accompagner par un expert, l’employeur a des possibilités de contestation. Normalement il doit agir dans un délai de 10 jours. La Cour de cassation vient d’apporter des précisions sur le point de départ de ce délai.

Recours à l’expertise : quelques rappels

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre des trois consultations récurrentes obligatoires qui portent sur :

  • les orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et de l’emploi.

La décision de recourir à l’expertise vous appartient et doit faire l’objet d’une délibération.

Bon à savoir

D’autres situations permettent de recourir à l’expertise. Tous les détails sont dans notre documentation « CSE ACTIV ».

Les frais d’expertise peuvent selon les cas être mis à la charge exclusive de l’employeur, ou bien partagés entre le CSE et l’employeur ou bien encore laissés à votre seule charge. Ainsi dans le cadre des consultations récurrentes, la prise en charge se fait à 100 % par l’employeur sauf pour les orientations stratégiques (80/20).

Cela explique que bien souvent l’employeur conteste l’expertise. Il peut en effet saisir le tribunal judiciaire pour contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, le coût prévisionnel, l’étendue ou encore la durée de l’expertise.

À plusieurs reprises, la Cour de cassation a rappelé que l’employeur qui entend contester une expertise doit agir vite : le législateur a en effet enserré la contestation devant le juge dans un délai de 10 jours (Code du travail, art. R. 2315-49). Le point de départ dépend du motif de la contestation. Si l’employeur entend contester la nécessité de l'expertise, ce délai court à compter de la délibération du CSE décidant le recours à l'expertise.

La Cour de cassation, dans une affaire récente, précise toutefois qu’il faut que l’employeur ait été mis en mesure de connaître la nature et l’objet de l’expertise pour faire courir le délai.

Délai de contestation de 10 jours : tout dépend de la connaissance de l’employeur sur la nature et l’objet de l’expertise

En l’espèce un CSE a recours à un expert-comptable pour l'assister en vue de la consultation annuelle obligatoire portant sur la situation économique et financière de l'entreprise puis un mois après pour l’assister en vue de la consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

L’employeur verse un acompte puis décide finalement d’en demander le remboursement tout en refusant de verser le solde. Son argument : ces deux expertises ne rentraient pas dans le cadre des consultations obligatoires mais constituaient des expertises libres dont seul le CSE devait assumer le coût. Il estime en effet qu’elles étaient prématurées dès lors qu'elles avaient été décidées :

  • pour la première, avant la transmission des comptes ;
  • pour la seconde, avant le dépôt dans la BDES (devenue BDESE) des documents d'information relatifs à la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

Sa demande est rejetée par le tribunal judiciaire car il a dépassé le délai de 10 jours pour contester l’expertise.

L’affaire arrive devant la Cour de cassation. Elle précise que le délai de 10 jours de contestation de la nécessité d'une expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet.

Est-ce que c’était le cas dans cette affaire ?

Ici, l'employeur ne critique ni le montant des factures qui lui ont été adressées ni le coût final des expertises mais conteste le principe de son paiement au motif qu'ayant été décidées avant la transmission des comptes et le dépôt des documents d'information utiles à la BDES, elles étaient des expertises libres.

Pourtant il avait bien été informé des délibérations adoptées lors des séances du CSE, notamment du fait qu'il devrait prendre en charge le montant des expertises ordonnées en vue de consultations récurrentes ; il a d’ailleurs réglé, sans contestation, l'acompte.

Dès lors la Cour de cassation en déduit que l'employeur a été mis en mesure de connaître la nature et l'objet des expertises. Il lui fallait donc respecter le délai de 10 jours. En l’espèce il avait agi certes dans les 10 jours qui suivaient la facture du coût final mais plusieurs mois après les délibérations du CSE sur le recours à une expertise.

Sa demande de contestation n’était donc pas recevable car tardive.


Cour de cassation, chambre sociale, 18 octobre 2023, n° 22-10.761 (le délai de 10 jours de contestation de la nécessité d'une expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social