Peut-on acheter sur le budget de fonctionnement des objets publicitaires ?

Publié le 01/07/2014 à 08:02, modifié le 04/11/2021 à 12:14 dans Comité d’entreprise.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

D’un côté, des comités d’entreprise qui ont accumulé des sommes au titre du budget de fonctionnement. De l’autre, des sociétés de vente d’objets publicitaires affirmant que le CE peut utiliser ces sommes pour faire des cadeaux aux salariés, à la seule condition d’y apposer le logo du comité d’entreprise. Comment démêler le vrai du faux ? Le point avec Christophe Baumgarten, du cabinet JDS Avocats.

Quelle est votre analyse juridique sur la question ?

Certaines sociétés de vente d’objets publicitaires affirment que les cadeaux publicitaires comportant le logo du comité d’entreprise peuvent être considérés comme des dépenses de communication, à ce titre imputables sur le budget de fonctionnement.

Cette information est fausse. Le financement sur le budget de fonctionnement d’objets publicitaires à destination des salariés est illicite.

Le seul énoncé qui précède le démontre : la préoccupation n’est pas de communiquer mais de faire des cadeaux aux salariés sur des budgets inutilisés. Or, les cadeaux relèvent par définition du budget activités sociales et culturelles.

Il ne s’agit pas de communication, qui suppose un message ici totalement absent, et dont rien ne justifierait qu’un quelconque cadeau lui serve de support.

Tout au plus s’agit-il de publicité. Cependant, un comité d’entreprise n’a par définition pas à faire de publicité, puisque les salariés de l’entreprise ne sont pas des clients, mais des ayants droits.

Quels sont les risques encourus ?

L’article 314–1 du Code pénal prévoit que : « l’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ».

Ainsi, le fait de dépenser l’argent remis au comité d’entreprise à l’usage de son fonctionnement économique et juridique pour une autre destination tombe sous le coup de la loi pénale.

Par ailleurs, le risque de redressement par l’URSSAF n’est pas nul.

En effet, dans la mesure où la dépense ne porte pas sur un bien culturel, social ou de loisir, elle est exclue de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale à la condition que, cumulée avec les autres bons d’achats, chèques cadeaux et cadeaux en nature, elle n’excède pas par salarié sur une période d’un an 5 % du plafond mensuel des cotisations (soit 156 € en 2014).

Le comité d’entreprise doit pouvoir justifier pour chacun des salariés que ce plafond n’est pas dépassé.

Cela suppose, dans la pratique, de conserver un accusé réception ou un émargement de chaque remise de ces cadeaux.

Là où le bât blesse, c’est que bon nombre de CE s’en dispensent en raison de la contrainte administrative que cela représente au regard de la faible valeur de chaque objet.

Dès lors, l’URSSAF est en droit de redresser sur la valeur de tous les objets dont il n’est pas justifié du bénéficiaire.

Pour être parfaitement complet sur la question, il est exact que le risque de poursuites pénales est quasiment nul et que le risque de redressement URSSAF est (actuellement) très faible car les contrôleurs URSSAF exercent rarement ce contrôle.

Dès lors, pourquoi s’interdire de le faire ?

Pour une raison simple, c’est que ces dépenses ne sont pas très morales et caractérisent une mauvaise gestion.

En effet, ce n’est pas parce que les risques de condamnations sont faibles que l’on doit se permettre de commettre des infractions ou de frauder (autrement dit, même si c’est facile, un comité d’entreprise et ses élus ne doivent pas détourner l’argent du CE de sa destination, ni frauder l’URSSAF).

Par ailleurs, le faible coût de ces objets n’est pas un argument d’achat, au contraire, car il s’explique par le fait :

  • que ces objets sont sans intérêt et la plupart du temps aussitôt donnés, aussitôt jetés. C’est l’argent des salariés qui se trouve ainsi dilapidé ;
  • qu’ils sont fabriqués dans des pays où les conditions d’emploi et de travail sont inacceptables (travail des enfants, sécurité, durée du travail, répression des organisations syndicales, etc.).

Enfin, même à admettre que les comités d’entreprise ont un quelconque intérêt à faire de la publicité par l’objet, ils devraient se conformer aux normes que s’appliquent les sociétés au titre d’une saine gestion, en n’employant jamais plus de 10 % du budget à ce type de dépense.

Alors que peut-on faire des sommes cumulées sur le budget de fonctionnement ?

Les CE qui prétendent avoir trop de budget de fonctionnement donnent un prétexte rêvé au patronat pour revendiquer la fusion des budgets, c’est-à-dire à terme la suppression du budget de fonctionnement.

N’ayons aucune illusion, la remise en cause du monopole de gestion des comités d’entreprise sur les activités sociales et culturelles, autre revendication patronale, suivra dans la foulée.

Pourtant, les comités d’entreprise qui exercent pleinement leurs prérogatives manquent le plus souvent de budget de fonctionnement.

Rappelons que le budget de fonctionnement sert à l’exercice par le comité d’entreprise de ses prérogatives économiques et juridiques : formation des élus, accompagnement juridique, expertises libres, actions judiciaires, information des salariés sur les débats au sein du comité, enquête auprès des salariés, et pourquoi pas formation économique et juridique des salariés pour les sensibiliser au rôle des IRP…

Et si malgré tout, il reste un reliquat de budget de fonctionnement ?

Si vous ne dépensez pas tout votre budget de fonctionnement, n’oubliez pas deux choses :

  • les élus qui viendront après vous sauront quoi en faire ;
  • si votre CE disparaît à la suite d’une cession, d’une scission, d’une fusion ou de la disparition de l’entreprise, la dévolution de ses biens se fera en une masse unique regroupant les sommes des deux budgets, et le comité d’entreprise bénéficiaire de la dévolution pourra l’imputer sur le budget qu’il souhaite, et ainsi décider de faire bénéficier les salariés de l’entreprise d’activités sociales et culturelles supplémentaires.

Editions Tissot