Prérogatives liées à l’exercice du mandat : sont-elles sans limite ?

Publié le 06/12/2019 à 07:18 dans Fonctionnement des RP.

Temps de lecture : 4 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

En tant que salarié représentant du personnel, votre rôle tient, sans conteste possible et quelle que soit l’éventuelle couleur syndicale endossée, en la protection de l’intérêt collectif mais aussi particulier des salariés que vous représentez (missions de représentation, d’accompagnement, de défense, etc.). Mais cela ne veut pas dire pour autant que vous pouvez tout vous permettre sous prétexte d’accompagner un salarié.

Prérogatives liées à l’exercice du mandat : quand « protection » ne rime pas avec « insubordination »

Dans l’affaire en question, une salariée, déléguée du personnel, a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour que soit déclarée l'annulation de cette sanction, que soit ordonné le paiement du salaire correspondant à la durée de la mise à pied et enfin, que lui soient octroyés des dommages-intérêts pour discrimination syndicale ainsi qu’une indemnisation au titre du harcèlement moral déclaré comme subi.

La mise à pied disciplinaire faisait suite à l’irruption, après avoir tenté de forcer la porte et créé une bousculade, de la salariée déléguée du personnel dans le bureau du directeur et ce, alors que ce dernier menait un entretien informel avec une autre salariée de l’entreprise.

Pour justifier ses actes, cette dernière entendait avancer que ne commettait aucune faute une déléguée du personnel qui cherchait à s'assurer qu'un salarié n'était pas maltraité par un cadre dirigeant. Elle mettait notamment en avant l’état d’énervement du directeur avant l’entretien litigieux ainsi que son « attitude anormale » visant à bloquer la porte et rendant donc son inquiétude ainsi que celle d’autres collègues légitime.

La Cour de cassation, saisie du litige et des détails de cette affaire, ne donne pas raison à la salariée et retient l'absence de souhait de la salariée convoquée à cet entretien informel d'être assistée d'un délégué du personnel pour cet entretien. Par conséquent la déléguée du personnel en cause, ayant imposé sa présence sous couvert de son mandat et ayant perturbé cet entretien en tentant de forcer la porte s’en suivant d’une bousculade, a commis un abus.

Prérogatives liées à l’exercice du mandat : analyse des éléments susceptibles de caractériser l’abus

Pour rappel et si le représentant du personnel bénéficie lui-même d’une certaine protection dans le cadre de l’exercice de ses fonctions de mandaté, il n’est pas pour autant protégé contre toute sanction disciplinaire lorsqu’il dépasse les limites de sa mission représentative (exercice irrégulier du mandat ou abus). Dans ces cas, si l’employeur estime que le salarié a dépassé ces limites, il devra prouver non seulement la faute, mais également l'existence d'un abus suffisamment important pour justifier la sanction.

En l’espèce, il est intéressant de souligner les termes utilisés par la Cour de cassation.

En effet, elle évoque, d’une part l’absence de souhait de la part de la salariée convoquée de se voir assister durant cet entretien, d’autre part la caractéristique même de cet entretien qu’elle qualifie « d’entretien informel », et enfin le fait pour l’élue sanctionnée d’avoir voulu imposer sa présence et perturbé l’entretien par des actes revêtant une certaine « violence » (tentative de forçage de la porte et bousculade subséquente).
Ainsi et si trois conseils se devaient d’être retenus, nous pourrions considérer que :

  1. l’élu se doit de proposer son aide mais sans pouvoir l’imposer. Tout salarié quel que soit le contexte d’ailleurs a encore le choix de vouloir se « confronter » seul ou accompagné ;
  2. ne doivent pas être confondus entretien formel et informel de sorte que, demeure encore du giron de tout employeur, de pouvoir provoquer des entretiens dits informels - plus couramment appelés entretiens hiérarchiques ou managériaux - ne nécessitant au demeurant aucunement la présence de quelconque représentant puisque relevant d’un acte de management courant, et sauf demande expresse du salarié en cause ;
  3. toute démonstration de présence se doit de rester inscrite dans le cadre d’un exercice normal des fonctions de mandatés excluant tout acte de force démesurée au regard de la situation rencontrée.

Cette décision, caractérisant à son tour un énième exemple de ce qui doit être retenu comme un exercice fautif ou encore outré des fonctions de mandatés, vient ajouter aux préconisations de vigilance qui vous sont assignées !


Cour de cassation, chambre sociale, 23 octobre 2019, n° 17-28.429 (commet un abus le représentant du personnel qui malgré l'absence de souhait d'une salariée, convoquée à un entretien informel, d'être assistée, a imposé sa présence et a perturbé cet entretien en tentant de forcer la porte)

3166

Stéphanie Roujon-Paris

De formation supérieure en droit social éprouvée, sur le terrain, par des années d'application quotidienne du droit du travail, des relations sociales et de la négociation collective, j’ai toujours …