Projet de loi climat et résilience : quel rôle va être confié au CSE en matière environnemental ?

Publié le 19/03/2021 à 07:16 dans Comité social et économique (CSE).

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Le comité social et économique (CSE) a un champ d’intervention important, particulièrement dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Difficile même pour les élus comme pour les employeurs de connaître l’ensemble de leurs domaines de compétence. Et pourtant, il est prévu prochainement d’en rajouter un nouveau : la lutte contre le dérèglement climatique.

CSE et transition écologique : une thématique qui s’impose pour les consultations ponctuelles

Idée défendue dans l’exposé des motifs du projet de loi : « chaque thématique faisant l’objet d’une procédure d’information et de consultation du CSE devra prendre en compte les conséquences environnementales des activités de l’entreprise ».

En pratique, l’article L. 2312-8 du Code du travail, article-clé du rôle consultatif du CSE dans l’entreprise, doit subir une profonde modification. Avec un redécoupage et un alinéa ajouté, ce qui aboutit pour l’employeur à devoir informer et consulter les membres du CSE sur les conséquences environnementales lors de tout projet intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.

Pour résumer, lors de toutes les consultations dites « ponctuelles » du CSE, l’employeur devrait venir ajouter aux informations transmises un pan relatif aux enjeux environnementaux. Et éventuellement donner les raisons de l’absence d’une telle donnée dans le lot des informations transmises.

Puis, au vu du découpage envisagé de l’article L. 2312-8, il semble que l’employeur soit/serait contraint d’obtenir un avis spécifique sur l’impact environnemental du projet. Donc, pour chaque consultation ponctuelle, le CSE devrait procéder à deux votes pour rendre un avis sur le projet lui-même puis un avis spécifique sur l’impact environnemental.

Gageons que la lourdeur de ce formalisme conduise tant l’administration que les juges à avoir en la matière une vision plus pragmatique : un seul vote sur l’ensemble du projet, avis tenant bien sûr compte des enjeux environnementaux au même titre que les enjeux sociaux ou économiques, serait à notre sens suffisant. Reste qu’à la lettre actuelle du projet de loi, l’analyse juridique semble aboutir à exiger un double avis sur chaque projet. L’enjeu environnemental étant alors placé, formellement, au-dessus des enjeux sociaux, économiques ou sécuritaires.

Attention

Qui va conduire la réflexion du CSE sur les questions environnementales ? Le CSE en plénière, la commission SSCT voire une commission créée spécialement sur le sujet ? Le projet de loi ne se positionne pas sur ce point. Aucune commission environnement n’est donc imposée. A chaque CSE d’évaluer alors la manière optimale de travailler sur ces questions, et d’envisager en interne par exemple de créer en collaboration avec l’employeur une commission dédiée disposant de certains moyens. Car la loi ne donne aucun moyen supplémentaire avec cette nouvelle mission attribuée au CSE, ni heures de délégation, ni droit à expertise, ni droit de veto, etc.

CSE et transition écologique : une thématique qui s’impose aussi pour les consultations récurrentes

Le projet de loi comporte un changement sur le contenu des procédures d’information-consultation récurrentes.

Les trois consultations récurrentes obligatoires à organiser dans les entreprises d’au moins 50 salariés (politique sociale, situation économique, orientations stratégiques pour rappel) devraient toutes les trois donner lieu à une information du CSE sur les « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». Donc, l’enjeu environnemental doit être abordé tant au cours des consultations ponctuelles que des trois consultations récurrentes.

Il semble à notre sens là-aussi qu’une évolution du projet de loi soit souhaitable. Car, pour des entreprises organisant par exemple sur trois mois chaque année les trois consultations obligatoires, cela signifie que l’employeur serait contraint de communiquer trois fois sur trois mois consécutifs les informations sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Est-ce vraiment utile ? Il aurait été suffisant d’intégrer cette information dans le champ de la consultation sur les orientations stratégiques.

Important

Qui dit modification des informations à transmettre lors des consultations récurrentes dit changement dans le contenu de la base de données économiques et sociales (BDES) ! Va se poser rapidement une question : où déposer les informations sur les conséquences environnementales ? Pas évident de répondre en tenant compte des rubriques proposées à ce jour par les articles R. 2312-8 et R. 2312-9 du Code du travail. Pour les entreprises de moins de 300 salariés, on pourrait envisager d’utiliser la sous-rubrique « Investissement matériel et immatériel », au titre des mesures envisagées en ce qui concerne l'amélioration, le renouvellement ou la transformation des méthodes de production et d'exploitation ; et incidences de ces mesures sur les conditions de travail et l'emploi » faute de mieux. Pour les entreprises d’au moins 300 salariés, on pourrait envisager de compléter la sous-rubrique « informations environnementales » (rubrique qui n’est imposée à ce jour que pour les entreprises réalisant des déclarations de performance extra-financière vérifiées par des experts indépendants). Mais on peut aussi penser qu’un décret vienne, suite à l’adoption du projet de loi, créer une rubrique plus spécifique propre aux sujets environnementaux.

Précision : l’information sur les « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise » relève de l’ordre public. Un accord d’entreprise ou une convention collective ne peut exclure cette information du champ des trois consultations obligatoires récurrentes. Petite remarque encore au passage : pourquoi le projet de loi répète les mêmes termes dans l’article L. 2312-17 sur l’ordre public et l’article L. 2312-22 sur les dispositions supplétives ? C’est un non-sens, qui nous conduit à imaginer de futures retouches au projet de loi quant aux dispositions relatives au CSE.

Dernière minute : des premiers amendements au projet de loi ont été votés par la commission spéciale de l’Assemblée nationale. L’un d’entre eux adopté le 12 mars prévoit de renommer la BDES en BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales). Une nouvelle rubrique dédiée aux conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise est aussi dans les tuyaux. A suivre !

Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2021

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Olivier Castell

Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr

Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …