Protection des candidats aux élections professionnelles : quand peut-on considérer qu’il y eu détournement de procédure ?

Publié le 06/04/2018 à 08:00 dans Protection des RP.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

En vertu de la législation sociale, tout candidat aux élections professionnelles (CE/DP/DUP et membres du CHSCT) ne pouvait être licencié sans autorisation. Cette protection, transposée désormais pour les candidats au CSE ainsi qu’aux fonctions de représentant de proximité, demeure applicable pour une durée de six mois à compter de la date d’envoi des listes de candidatures.

Protection des candidats aux élections professionnelles : vigilance quant à la date de mise en œuvre de la procédure

Licencier un salarié juste après l'extinction de son statut protecteur peut être fort dangereux et ce, comme le prouve l’expérience vécue par la société ici condamnée.

Dans cette affaire, un salarié engagé sous contrat à durée indéterminée avait été, une première fois convoqué pour un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire. En suite de cet entretien, un avertissement lui avait finalement été notifié. Ledit salarié se trouve une seconde fois convoqué pour un nouvel entretien de même nature. A l’issue de ce dernier, une proposition de mutation disciplinaire est adressée ; proposition que le salarié décida de refuser, son employeur abandonnant alors les poursuites.

Le 16 novembre 2010, ce dernier est une troisième fois convoqué à un entretien préalable en vue, cette fois ci, d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement ; licenciement qui sera notifié le 7 janvier 2011.

Or, il s’avère que le 14 mai 2010, le salarié en question s’était porté candidat, par lettre recommandée avec accusé de réception, aux élections des membres du CHSCT.

Bien que la chronologie des faits démontre sans nul doute possible l’existence d’une situation conflictuelle précédent l’acte de candidature, cette situation prend une toute autre tournure le 16 novembre 2010.
En effet et à cette date, soit deux jours seulement après l'extinction du statut protecteur accordé aux candidats au CHSCT qui avait couru en l’espèce du 14 mai 2010 au 14 novembre 2010, ce salarié était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement avant de voir son contrat effectivement rompu quelques semaines plus tard.

Si l’employeur se croyait délié de toute demande d’autorisation dès lors que la période de protection légale avait pris fin au jour de la convocation de l’entretien, la cour d’appel puis la Cour de cassation ne l’entendirent pas de la même oreille considérant, pour leur part, que ledit licenciement avait été prononcé en violation du statut protecteur et ce, du fait que le salarié avait été convoqué le surlendemain de l’expiration de la période de protection et pour des faits commis durant cette période.

Ainsi, et si la date de mise en œuvre de la procédure ne peut à elle seule suffire à invalider cette dernière, elle demeure un indice primordial.
Mais cela aurait-il été différent si l’employeur avait été en capacité de donner date certaine aux griefs invoqués post expiration de la période de protection ?

Protection des candidats aux élections professionnelles : l’importance de pouvoir donner date certaine aux griefs

A l’appui de sa contestation du jugement d’appel, l’employeur faisait prévaloir en outre :

  • qu'aucun détournement de procédure ne peut être retenu lorsque les faits reprochés au salarié protégé ont été commis ou connus de l'employeur à une date proche de l'expiration de la période de protection ;
  • que le licenciement d'un salarié dont la période de protection a pris fin au jour de la convocation à l'entretien préalable n'est pas nul lorsqu'il est fondé au moins en partie sur des faits qui ont été commis après l'expiration de la période de protection, serait-ce postérieurement à la convocation à l'entretien préalable.

Or, la réalité d'un détournement de la procédure de protection doit s'apprécier à la date de convocation à l'entretien préalable. En l’espèce, l'employeur ne pouvait justifier, au jour de la convocation, de faits postérieurs à la période de protection.

Par conséquent, ce dernier fut condamné, faute finalement pour lui de n’avoir pris le temps de tracer des faits probants post période de protection et s’étant a priori bien trop précipité.

Protection des candidats aux élections professionnelles : conséquences de la violation du statut protecteur

Le salarié dont le licenciement est nul, peut solliciter sa réintégration dans l'entreprise.

Dans cette hypothèse, le salarié peut prétendre au versement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration effective.

A défaut de sollicitation en ce sens, l’employeur condamné se devra de payer les indemnités suivantes :

  • une indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle) ;
  • une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés attachés à ce préavis (quelle que soit la situation du salarié : dispense de préavis ou autre) ;
  • une indemnité de congés payés ;
  • une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de la rupture (Code du travail, art. L. 1235-3) ;
  • une indemnité forfaitaire spécifique au titre de la violation du statut protecteur ;
  • une indemnité pour défaut d’information en lien avec la portabilité de la prévoyance ;
  • des dommages et intérêts au titre de préjudice(s) « autres » (exemple : préjudice moral en lien avec le contexte de la rupture etc…).

Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2018, n° 16-19.562

Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2018, n°16-19562 (commet un détournement de procédure, l’employeur qui convoque le salarié à un entretien préalable au licenciement le surlendemain de l’expiration de la période de protection et pour des faits survenus uniquement durant cette dernière)

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Stéphanie Roujon-Paris

De formation supérieure en droit social éprouvée, sur le terrain, par des années d'application quotidienne du droit du travail, des relations sociales et de la négociation collective, j’ai toujours …