Protection des élus CSE : que faire face à une dégradation des conditions de travail provoquée par l’employeur ?
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Discrimination à l’encontre des élus CSE : un recours restreint à une expertise pour risque grave
Les élus du CSE sont parfois soumis à des actes discriminatoires de la part de l’employeur, en « représailles » à leur engagement comme représentant du personnel.
Dans une récente affaire soumise à la Cour de cassation, les élus d’un CHSCT (devenu depuis le CSE) évoquaient une dégradation de leur condition de travail et des pressions psychologiques exercées par leur employeur.
Ils décident alors de recourir à une expertise pour démontrer le comportement de l’employeur. En se fondant sur l’article L. 2315-94 du Code du travail et la procédure d’expertise en cas de risque grave, identifié et actuel. Bonne idée de leur part car cette expertise, réalisée obligatoirement par un expert en qualité de vie au travail agréé, doit être entièrement financée par l’employeur. Sans aucune prise en charge du CSE sur son budget de fonctionnement. Le risque grave, identifié et actuel pouvant prendre la forme de risques physiques ou de risques psychologiques.
L’employeur va contester la résolution prise par les élus décidant une telle expertise. Les arguments de l’employeur étant qu’une expertise a déjà été réalisée peu avant dans l’entreprise pour analyser les conditions générales de travail de l'ensemble des salariés. Et les élus étant concernés comme tous les salariés non élus par cette expertise. Une deuxième expertise serait donc redondante et aucun risque grave particulier identifié n’est mis en avant par les élus.
Avis d’expert :
La Cour de cassation tranche ce litige dans un arrêt en date du 27 janvier 2021. Elle donne raison à l’employeur en s’appuyant sur le texte même de la délibération par laquelle les élus ont décidé l’appel à l’expertise de leurs conditions de travail. Faute d’avoir caractérisé un risque grave, actuel et identifié particulier aux représentants du personnel par rapport aux autres salariés de l’entreprise, les juges rejettent le droit à une expertise rémunérée par l’entreprise en application de l’article L. 2315-94. La motivation de l’arrêt rendu, axé donc sur le texte de la délibération, ne semble pas interdire définitivement la possibilité pour les élus d’obtenir une expertise financée au titre du risque grave ciblant uniquement la situation des représentants du personnel. Aux élus d’être à l’avenir très précis dans la rédaction de leur résolution demandant l’expertise ! Si l’expertise porte par exemple sur les conditions de travail, les membres du CSE doivent donc justifier leur vote en faveur du recours à l’expert en démontrant l’existence d’un risque tout à la fois grave, actuel et identifié bien spécifique aux élus du personnel. Difficile mais selon la situation pas impossible. Pour limiter le risque de contentieux, il peut être utile ici de faire préparer un projet de résolution par un juriste spécialisé en droit du travail.
Discrimination à l’encontre des élus CSE : les solutions restantes
Alors, si les élus ne peuvent pas utiliser facilement la voie de l’appel à un expert pour risque grave, que peuvent-ils faire ?
Une solution est celle dont le nom demeure célèbre en matière de protection des représentants du personnel et des représentants syndicaux : le délit d’entrave.
Plus précisément le délit d’entrave au fonctionnement régulier de l’instance. Si l’employeur empêche la réalisation des missions de l’élu du CSE, un élu peut alors dénoncer un délit d’entrave. Pour rappel, la peine encourue par l’employeur est une amende de 7500 euros.
Va-t-on saisir directement la juridiction pénale ? On peut mais il est souvent conseillé de passer d’abord par l’inspection du travail. Qui dispose d’un pouvoir de contrainte à l’encontre de l’employeur et a ainsi la possibilité de faire évoluer les pratiques internes de l’entreprise.
A côté du délit d’entrave qui va traiter des faits commis par l’employeur pour perturber l’exercice du mandat de représentant du personnel, il y a les textes protecteurs anti-discrimination. Le Code du travail protège les représentants du personnel (assimilés en matière de discrimination à l’activité syndicale) de tout fait de discrimination portant sur : l’accès à la formation, les poursuites disciplinaires, la fin du contrat de travail, la rémunération, le reclassement, l’affectation, la qualification, la classification, la promotion professionnelle, la mutation, le renouvellement du contrat de travail. (Code du travail, art. L. 1132-1).
Avec le principe de non-discrimination, on protège le comportement d’un employeur qui impacte les missions contractuelles des élus du personnel et non plus l’exercice de leur mandat. Toute victime de discrimination peut agir directement contre l’entreprise par devant le conseil des prud’hommes, pour obtenir la cessation du comportement discriminatoire voire pour prendre acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur.
Cour de cassation, chambre sociale, 27 janvier 2021, n° 19-19.478 (le recours à l’expertise n’est pas justifié s’il n’y a aucun risque grave actuel, identifié et décrit de manière concrète vis-à-vis spécifiquement des représentants du personnel, seuls visés dans le périmètre de l'expertise)
Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr
Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …
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