Réagir face à la souffrance au travail : conseils aux représentants du personnel

Publié le 16/11/2012 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:23 dans CHSCT.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

En France, les consultations pour risque psychosocial sont devenues en 2007 la première cause de consultation pour pathologie professionnelle (selon l’AFSSET, réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles).

Les représentants du personnel, les médecins du travail, les inspecteurs du travail et les avocats sont confrontés à un nombre croissant de salariés qui, pour exprimer leur mal-être au travail, se disent « harcelés ».

A y regarder de plus près, les situations décrites ne peuvent pas la plupart du temps être qualifiées de « harcèlement » au sens où l’entend la loi. Par ailleurs, les qualifier ainsi oriente les différents acteurs vers la recherche de responsabilités et donc de solutions individuelles, au lieu de mettre en exergue des dysfonctionnements dans l’organisation de l’entreprise.

Les représentants du personnel, de plus en plus sollicités sur ces questions, ont un rôle important à jouer. Comment doivent-ils réagir ? Quels sont les meilleurs conseils qu’ils peuvent apporter aux salariés ? Quelles sont les solutions à mettre en œuvre ?

1. Souffrance au travail : de quoi parle-t-on ?

A – Les notions

La souffrance au travail recouvre un ensemble de risques que l’on nomme risques psychosociaux (RPS). Cette catégorie de risques professionnels désigne « des risques pour la santé créés par le travail à travers des mécanismes sociaux et psychiques ».

Ils renvoient à la fois à des facteurs individuels et collectifs, mais aussi à la question de l’organisation du travail qui met en cause le pouvoir de direction de l’employeur. Ils sont à l’intersection entre l’individu (« le psycho ») et la situation de travail (« le social »).

Les RPS désignent un ensemble de risques différents à savoir : le stress, la violence, le harcèlement qui sont les principaux risques psychosociaux identifiés et qui ont fait l’objet d’une tentative d’encadrement juridique.

Toutefois, seul le harcèlement moral dispose aujourd’hui d’une définition précise prévue par la loi. En effet, le harcèlement moral est définit comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet d’entrainer une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel de la victime (Code du travail, art. L. 1152–1).

Le stress et la violence au travail ont été définis par deux accords nationaux interprofessionnels sous l’impulsion d’accords-cadres européens. Le stress est défini comme un état qui survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face (ANI du 2 juillet 2008). Le stress résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences et les attentes les concernant, trouvant cause dans différents facteurs, par exemple « le contenu et l’organisation du travail, l’environnement de travail, une mauvaise communication, etc. » (ANI du 2 juillet 2008).

Enfin, l’ANI du 26 mars 2010 définit la violence au travail comme pouvant aller du manque de respect à la manifestation d’une volonté de nuire, de détruire, de l’incivilité à l’agression physique.

Ses formes peuvent être verbales, comportementales, sexistes ou physiques.

Ces risques psychosociaux peuvent paraître difficiles à appréhender parce qu’ils touchent à l’aspect psychologique de la santé des personnes. Pour autant, les représentants du personnel disposent d’une grille d’analyse objective de la souffrance au travail : c’est l’organisation collective du travail.

B – La mise en cause de l’organisation du travail

Lorsque les salariés témoignent de leur souffrance ou se disent « harcelés », il faut avoir le réflexe de mettre en cause l’organisation du travail. En effet, la situation vécue par le salarié sera, dans une large majorité de cas, liée à un problème d’organisation du travail, cause première de souffrance au travail. De plus, bien souvent, les salariés n’expriment pas leur mal-être au travail. La mise en cause de l’organisation collective du travail permettra de trouver des solutions pérennes pour l’ensemble des salariés. Dès lors, un des enjeux de la prévention de la souffrance au travail dans les entreprises est de passer d’une démarche individuelle à une démarche collective plus objective.

Pour évaluer le niveau de souffrance au travail, il faut recourir à des indicateurs objectifs. Les plaintes et les témoignages des salariés sont des indicateurs qui laissent à penser qu’il existe des RPS dans l’entreprise. Mais il existe une multitude d’autres indicateurs : des indicateurs RH (absentéisme, turn-over, données concernant la productivité et la qualité de la production ou du service, etc.) ou des indicateurs sur la santé et la sécurité des salariés (nombres d’accidents du travail et de maladies professionnelles, restrictions d’aptitude, nombre de consultations auprès de la médecine du travail, etc.).

Ces indicateurs sont disponibles dans des documents ou rapports obligatoires dans l’entreprise tels que :

– le bilan social, obligatoire dans les entreprises de 300 salariés et plus (C. trav., art. R. 2323–17) qui contient des indicateurs sur :

  • les départs des salariés (nombre de démissions, de licenciements économiques, de licenciement pour motif personnel, de mutations, etc.),
  • le nombre de journées d’absence (pour maladie, accidents du travail, de trajet, maladies professionnelles réparties en fonction de leur durée),
  • les horaires (hebdomadaires moyens ou somme des heures travaillées durant l’année),
  • etc. ;

– le rapport annuel, faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail et des actions menées au cours de l’année écoulée (contenu fixé par arrêté du 12 déc. 1985) qui contient des indicateurs sur :

  • le nombre d’accidents (du travail, de trajet, taux de fréquence, taux de gravité, nombre d’incapacités permanentes, nombre et nature des maladies professionnelles),
  • l’organisation et le contenu du travail (effectif travaillant la nuit, le week-end, dont la rémunération est liée au rendement, personnel utilisé à des tâches répétitives),
  • les modifications intervenues dans l’établissement (introduction de nouveaux procédés de travail, modification d’horaires, suppression de services, réorganisation des postes de travail, etc.) et leurs effets sur les postes de travail (rythmes, cadences, charges de travail, fatigue physique et mentale), l’environnement du poste de travail, l’organisation et le contenu du travail (répartition du travail, horaires de travail, contrôle du travail, relation entre les services, etc.),
  • etc. ;

– le rapport annuel d’activité de la médecine du travail (contenu fixé par arrêté du 13 déc. 1990) qui contient des indicateurs sur :

  • le nombre de visites occasionnelles à la demande des salariés,
  • les décisions d’aptitude (apte, apte avec restriction, inapte, etc.) à l’issue de chaque type d’examen médical (embauche, reprise, visite annuelle, etc.),
  • les pathologies dépistées et observées,
  • etc.

Attention, la présence de certains indicateurs ne signifie pas qu’il existe automatiquement des risques psychosociaux dans l’entreprise. Il est nécessaire d’analyser ces indicateurs. Toutefois, le cumul d’un certain nombre d’entre eux va laisser présumer l’existence de risques de cette nature et permettra, le cas échéant, de diligenter une expertise qui permettra de confirmer le constat et de poursuivre l’analyse.

En effet, il est nécessaire, dans un second temps, d’identifier les facteurs de risques. Cette étape nécessite la plupart du temps l’intervention d’un expert. Là encore, il existe une multitude de facteurs de risques : charge de travail, pression temporelle, monotonie des taches, absence d’autonomie, répétition, imprécision des missions confiées, management peu participatif ou autoritaire, nuisances physiques au poste de travail, mauvaise santé économique de l’entreprise ou incertitude sur son avenir, etc.

Il faudra alors prendre en compte le poids de chaque facteur et la combinaison des facteurs entre eux pour déterminer s’ils représentent un danger pour la santé des travailleurs.

C’est finalement la combinaison des indicateurs et des facteurs qui permettra d’établir le risque pour la santé des salariés.

Retrouvez la suite de cet article relative aux personnes responsables des risques psychosociaux, aux moyens d’action collectifs, et aux conseils à prodiguer aux salariés en cas de souffrance dans ce document :

Réagir face à la souffrance au travail : conseils aux représentants du personnel (pdf | 6 p. | 87 Ko)

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