Refus d’une autorisation administrative de licencier et maintien de la mise à pied conservatoire par l’employeur
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La mise à pied conservatoire du salarié protégé : les effets « a priori » d’un refus d’autorisation administrative de licencier
En droit, la mise à pied à titre conservatoire permet à l’employeur, lorsque les faits reprochés au salarié le rendent indispensable, de suspendre le contrat de travail sans maintien du salaire, dans l’attente de l’issue de la procédure disciplinaire.
Concernant le salarié protégé, l'employeur peut, en cas de faute grave, prononcer la mise à pied conservatoire immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision de l’inspection du travail. (Code du travail, art. L. 2421-1 et L. 2421-3).
C’est ainsi que :
- pour les membres de la délégation du personnel au CSE et représentants de proximité, la demande d'autorisation de licenciement doit être présentée à l'inspection du travail dans les 48 heures suivant la délibération du CSE. Si l'avis de ce dernier n'est pas requis, cette demande est présentée dans un délai de 8 jours à compter de la mise à pied. La consultation du CSE a lieu dans un délai de 10 jours à compter de la mise à pied (C. trav., art. R. 2421-14) ;
- pour le délégué syndical, salarié mandaté, membre de la délégation du personnel au CSE interentreprises et conseiller du salarié, la décision de mise à pied conservatoire est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l'inspection du travail dans le délai de 48 heures à compter de sa prise d'effet. Lorsque le délégué syndical est également membre du CSE, représentant syndical au CSE ou représentant de proximité, la consultation du CSE a lieu dans un délai de 10 jours à compter de la mise à pied. Si l'avis du CSE n'est pas requis, la demande d'autorisation de licenciement est présentée dans un délai de 8 jours à compter de la mise à pied (C. trav., art. R. 2421-6).
Quelle que soit la nature du mandat conférant une protection au salarié, si le licenciement est refusé par l’inspection du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit.
La mise à pied conservatoire du salarié protégé : les effets « a posteriori » d’un refus d’autorisation administrative de licencier
Dans une affaire soumise à la Cour de cassation, deux délégués du personnel ont été convoqués à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire. Le 17 août 2011, l’inspection du travail refuse de délivrer les autorisations de les licencier.
Lesdits refus ont été confirmés :
- par le ministre du Travail dans le cadre des recours hiérarchiques dont il a été saisi ;
- par jugement du tribunal administratif et arrêt de la cour administrative d'appel dans le cadre des recours contentieux introduits.
Bien que les recours susvisés ne soient jamais suspensifs de la décision rendue par l’inspection du travail, l’employeur a fait fi de celle-ci en maintenant, a posteriori, la mise à pied conservatoire des salariés protégés.
Suite à cela, les salariés ont, les 30 août et 5 septembre 2011, pris acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de leur employeur et ont saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que cette rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puis au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
L’employeur a alors fait valoir que ses manquements n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, en ce que ces mises à pied conservatoires n'avaient eu aucun effet dès lors que les salariés étaient placés en arrêt maladie dès leur lendemain.
Sans surprise, la Cour de cassation rejette le pourvoi :
- en rappelant que le fait par l'employeur de ne pas rétablir dans ses fonctions le salarié protégé mis à pied à titre conservatoire et dont l'autorisation de licenciement a été refusée constitue une violation du statut protecteur et une inexécution des obligations contractuelles, justifiant la prise d'acte de la rupture laquelle produit les effets d'un licenciement nul ;
- en caractérisant de facto l’existence d’un harcèlement moral par l’employeur au travers de ces agissements et en jugeant que nonobstant le placement en arrêt maladie, la prise d'acte en raison de faits constitutifs d'un harcèlement moral était justifiée et devait s'analyser en un licenciement nul.
Dans cette affaire, l’employeur aurait pu tenter de légitimer le maintien, a posteriori, des mises à pied conservatoires en introduisant de suite, auprès du tribunal administratif, un « référé-suspension ». En effet, cette procédure vise à faire suspendre provisoirement l’exécution d’une décision administrative jusqu’à ce que son annulation soit tranchée au fond. Néanmoins, pour ce faire, l’employeur aurait dû démontrer qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus de licencier, tout en justifiant de l’urgence d’en suspendre son exécution (Code de justice administrative, art. L 521-1 et suiv.)
Cour de cassation, chambre sociale, 29 septembre 2021, n° 19-16.889 (le fait par l'employeur de ne pas rétablir dans ses fonctions le salarié protégé mis à pied à titre conservatoire et dont l'autorisation de licenciement a été refusée constitue une violation du statut protecteur et une inexécution des obligations contractuelles. Cela justifie la prise d'acte de la rupture de son contrat par l'intéressé laquelle produit les effets d'un licenciement nul)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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