Retard dans l’acheminement d’un bulletin de vote par correspondance : une cause d’annulation des élections professionnelles ?

Publié le 13/09/2017 à 08:45, modifié le 14/09/2017 à 15:50 dans Fonctionnement des RP.

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Les élections professionnelles sont un événement complexe dans leur organisation et leur gestion. Du protocole d’accord préélectoral à la proclamation des résultats, de nombreuses complications peuvent survenir, tel que le vote par correspondance, susceptibles de remettre en question la validité des élections.

Le vote par correspondance : les règles à respecter

Que ce soit pour des motifs personnels ou professionnels, certains salariés peuvent se trouver empêchés de se rendre sur leur lieu de travail afin de voter aux élections professionnelles. Congés, arrêts maladie, télétravail, déplacements, etc. Les raisons sont nombreuses.

Afin de permettre à ces salariés de voter, il est possible lors des élections de prévoir la mise en place du vote par correspondance.

Ce type de vote doit répondre à deux règles générales :

  • sa mise en place doit être prévue au sein du protocole d’accord préélectoral ;
  • il ne peut être la seule modalité de vote, le vote « physique » restant la règle principale en l’absence de dispositions conventionnelles dérogatoires.
Notez-le
Auparavant, il convenait de justifier de « circonstance exceptionnelles » pour pouvoir prévoir la mise en place du vote par correspondance. En février 2013, la Cour de cassation a réaffirmée que le vote « physique » était la règle générale mais a considéré que le recours au vote par correspondance, ne nécessitait plus de circonstances exceptionnelles justifiant son utilisation. Désormais le recours au vote par correspondance est libre, tant qu’il respecte les deux règles générales présentées ci-dessus.

Des règles pratiques se doivent également d’être respectées :

  • le vote par correspondance doit être organisé suffisamment en avance afin que les électeurs puissent voter en temps et en heures.
    En effet, il faut tenir compte des différents aléas pouvant se produire. Pour éviter tout désagrément organisationnel et pour permettre aux électeurs de disposer du temps nécessaire pour faire un choix entre les différentes listes présentées, il convient d’envoyer les documents suffisamment à l’avance avant le scrutin, en tenant compte notamment des délais postaux ;
  • le matériel mis à disposition des électeurs votant par correspondance doit pouvoir garantir le secret du vote, tout en limitant les risques d’erreurs du votant.
    Il est généralement composé :
    • des bulletins (titulaires et suppléants),
    • des enveloppes de vote sans signes distinctifs (titulaires et suppléants),
    • d’une enveloppe affranchie destinée au renvoi au bureau de vote de l’entreprise ou à la boite postale correspondante,
    • éventuellement, de la propagande syndicale ;
  • l’acheminement des votes se fait par voie postale. Cette solution garantir au mieux la confidentialité du vote.
    Le jour des élections, le scrutin ne pourra être clos avant la relève du courrier postal.
Attention
L’enveloppe affranchie devra porter au dos les noms et prénoms du votant, ainsi que son adresse et sa signature. Selon une jurisprudence constante, cette condition est substantielle afin que le vote puisse être comptabilisé valablement. De plus, sachez que pour les élections professionnelles, le vote par procuration n’est pas autorisé.

Le vote par correspondance : le cas du retard dans l’acheminement du vote

Dans le cas du vote par correspondance, deux cas de retards postaux peuvent se produire :

Le retard d’acheminement du matériel de vote aux votants

Selon la jurisprudence, le retard d’acheminement subi par le matériel envoyé par l’employeur dans les délais et les conditions prévues par le protocole d’accord préélectoral, ne constitue généralement pas une cause d’annulation à moins que cet état de fait ait une influence sur le résultat des élections.

Le retard d’acheminement du vote vers le bureau

Le 21 juin 2017, la Cour de cassation a été saisie de ce cas.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2017, n° 16-60.262

En l’espèce, un vote par correspondance expédié dans les temps était parvenu au bureau le lendemain de l’élection et n’avait ainsi pas été pris en compte.
Dans cette situation, faut-il ou non annuler l’élection ?

Oui, répond la Cour, dans la mesure où l’absence de prise en compte du vote d’un salarié qui l'avait adressé conformément au protocole d’accord préélectoral, avait été déterminante quant aux résultats des élections professionnelles et donc, dans les faits, de la qualité représentative des syndicats dans l’entreprise.

Cela signifie que pour vérifier si le vote arrivé en retard doit être pris en compte, il convient de vérifier deux conditions cumulatives :

  • le vote doit avoir été expédié par le votant dans les dates d’envoi prévues par le protocole d’accord préélectoral ;
  • le vote doit avoir une incidence sur le résultat des élections.
Notez-le
Cette solution s’inscrit dans une logique ancienne de la Cour de cassation qui considère que le retard dans la réception des votes par correspondance doit avoir un impact sur le résultat des élections. Dans le cas contraire, ces votes sont rarement pris en compte. La Cour analyse également finement le contenu de l’accord préélectoral afin de déterminer si les dispositions qu’il prévoyait sont respectées par les parties.

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Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2017, n° 16-60.262 (l'absence de prise en compte du vote par correspondance d'un salarié qui l'avait adressé conformément au protocole préélectoral, et qui a été déterminante pour le résultat, remet en cause les élections)
Voir également :
Cour de cassation, chambre sociale, 10 mars 2010, n° 09-60.236
Cour de cassation, chambre sociale, 13 février 2013, n° 11-25.696

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Marc Kustner

Gérant de la société FOKUS dédiée à la formation et à l'accompagnement des représentants du personnel (www.fokus-cse.com)

https://www.fokus-cse.com
Juriste et formateur en droit social
Spécialiste des relations sociales