Rupture conventionnelle d’un salarié protégé : possible même en cas de harcèlement moral ou discrimination syndicale
Temps de lecture : 3 min
Le Conseil d’Etat vient d’admettre qu’un salarié protégé peut conclure une rupture conventionnelle même en présence de harcèlement moral ou de discrimination syndicale. Les juges ont aussi précisé l’étendue du contrôle opéré par l’inspection du travail.
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Quel contrôle de l’inspection du travail en cas de demande de rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle d’un salarié protégé démarre de façon classique par au moins un entretien entre l’employeur et le salarié pour s’accorder sur les modalités de la rupture. Etape suivante : la signature de la convention de rupture en utilisant un formulaire spécifique (CERFA 14598*01)
Important
Pour certains salariés protégés, notamment les élus du personnel, l’employeur devra en principe recueillir l’avis du CSE avant la signature de la convention.
A ce stade, l’administration ne procède pas à une simple homologation comme c’est le cas pour les salariés non protégés, mais va autoriser ou non la rupture.
Le Conseil d’Etat vient de préciser que l’inspection du travail examine notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé.
Elle doit s’assurer :
- que la rupture n’intervient pas dans l’un des cas interdits (PSE notamment) ;
- qu’elle n’a été imposée à aucune des parties ;
- que la procédure et les garanties (par exemple le délai de rétractation) ont été respectés.
Il lui incombe notamment de vérifier qu'aucune circonstance, en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par le salarié ou à son appartenance syndicale, n'a été de nature à vicier son consentement.
Le contrôle de l’inspection du travail en cas de rupture conventionnelle est donc aussi poussé que pour un licenciement.
Bon à savoir
Si l’inspection du travail ne répond pas, on considère, passé 2 mois, que la demande est rejetée.
Dans tous les cas, le salarié peut demander l’annulation de la rupture conventionnelle si son consentement a été vicié.
Peut-on conclure une rupture conventionnelle en cas de harcèlement et discrimination syndicale ?
Dans cette affaire, un salarié protégé contestait sa rupture conventionnelle qui avait été autorisée par l’inspection du travail. Il se plaignait notamment d’avoir été victime de harcèlement moral et discrimination syndicale, faits pour lesquels l’employeur a d’ailleurs été condamné en justice.
Mais les juges relèvent que cette circonstance ne permet pas d’établir automatiquement qu’il n’avait pas librement consenti à la rupture conventionnelle. Le vice du consentement n’est en effet pas présumé, il appartient donc au salarié de le caractériser. Il fallait ainsi démonter en quoi ce contexte de harcèlement et discrimination avait vicié son consentement, ne laissant pas d’autre choix que d’accepter la rupture conventionnelle.
Or en l’espèce, les faits étaient anciens et le salarié n’avait pas exercé son droit de rétractation après la signature de la convention, dont il avait d’ailleurs été à l’origine. Il avait également demandé la résiliation judiciaire de son contrat et ne l’avait pas obtenue. Autant d’éléments qui ne permettent pas de constater un vice du consentement.
Notez le
Récemment la Cour de cassation a précisé qu’une situation de violence morale liée à un harcèlement pouvait constituer un tel vice du consentement (voir notre article « Harcèlement moral et rupture conventionnelle : l’exigence d’un consentement non vicié »).
Conseil d’Etat, 13 avril 2023, n° 459213 (l’existence de faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale n'est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce que l'inspection du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient vicié le consentement du salarié)
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
Diplômée du master 2 DPRT de la faculté de droit de Montpellier et experte en droit social, je suis spécialisée dans la rédaction juridique. Au sein des Editions Tissot, je participe à l'animation …
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