Salarié demandeur d'élections : nouvelle protection contre les licenciements de rétorsion
Temps de lecture : 5 min
La Cour de cassation s’est exprimée, pour la première fois, sur l’interdiction des licenciements de représailles à l’égard des salariés non protégés ayant demandé l’organisation d’élections professionnelles. Par la même occasion, la Haute juridiction a rappelé les conséquences découlant de la violation, par l’employeur, de ses obligations sur la mise en place d’institutions représentatives du personnel.
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Licenciement contemporain à une demande d’organisation d’élections : possibilité de caractériser une mesure de rétorsion
Tout salarié ayant sollicité la tenue d’élections professionnelles ne bénéficie pas d’une protection spéciale contre le licenciement.
Pour pouvoir s’en prévaloir, il doit être mandaté par une organisation syndicale. A défaut de mandatement, il doit être le premier à avoir formulé cette demande qui devra, elle-même, être relayée par un syndicat remplissant les conditions pour :
négocier le protocole d’accord préélectoral (PAP) ;
et présenter des candidats au premier tour des élections.
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Cette protection est opposable à l’employeur pour une durée de 6 mois, et ce, à compter de l'envoi de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections.
Ce faisant, qu’en est-il lorsqu’un salarié non protégé est licencié dans une période relativement proche à la transmission de sa demande ? Est-il dépourvu de toute protection ?
Par une récente décision, la Cour de cassation a transposé sa jurisprudence applicable aux licenciements notifiés simultanément à l’action judiciaire d’un salarié.
En l’espèce, un salarié demande à son employeur d’organiser des élections professionnelles au sein de l’entreprise. Or, ce dernier décide d’engager une procédure de licenciement à son encontre à cette même date. Un mois plus tard, il est licencié pour faute grave. En désaccord avec cette mesure, le salarié saisit le juge prud’homal pour en obtenir la nullité ainsi que sa réintégration.
S’estimant victime d’une discrimination syndicale, il considère que la simple coïncidence entre ces deux évènements laissait supposer son existence. A tort selon la cour d’appel qui rejette ses demandes et amène ce dernier à former un pourvoi en cassation.
Seulement, la Cour de cassation s’engage sur une voie différente, celle de la mesure de rétorsion. Ainsi, même si le salarié n’est pas protégé, l’employeur reste dans l'impossibilité de le licencier en représailles. A défaut, le licenciement doit être annulé.
En matière de preuve, les juges indiquent tout d’abord que la seule concomitance entre ces évènements ne permet pas, en soi, de présumer l’existence d’une mesure de rétorsion. Celle-ci doit donc être démontrée.
Ils précisent ensuite que, pour déterminer qui, de l’employeur ou du salarié, doit réaliser cette démonstration, il convient de se reporter aux termes de la lettre de licenciement. Deux hypothèses peuvent ainsi se présenter :
si les faits invoqués caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement : le salarié doit prouver l’existence d’une mesure de rétorsion ;
si les faits invoqués ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement : l’employeur doit démontrer que la rupture du contrat de travail ne constitue pas une mesure de rétorsion.
Au regard de l’affaire, la Cour de cassation constate, sans entrer dans les détails, que le licenciement prononcé était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Par conséquent, il revenait à l’employeur de démontrer que sa décision était étrangère à la volonté de réprimer la démarche du salarié.
L’affaire devra donc être rejugée sur ce point.
La violation des obligations en matière de représentation du personnel cause nécessairement un préjudice aux salariés
Les entreprises justifiant d’un effectif d’au moins 11 salariés sur une période de 12 mois consécutifs sont tenues d’instituer un comité social et économique ou, si l’instance existe déjà, de le renouveler.
Pour autant, cette mise en place ou ce renouvellement peuvent être rendus impossibles dans certaines circonstances (ex : absence de candidature au premier et second tour). L’employeur doit alors établir un procès-verbal de carence qu’il portera ensuite à la connaissance de ses salariés et de l’inspection du travail.
Comme le rappelle la Cour de cassation pour cette affaire, l’employeur commet une faute s’il n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ne soit établi.
Elle reprécise, en outre, que le salarié ne doit justifier d’aucun préjudice pour obtenir une indemnisation. Cette faute cause nécessairement un préjudice à ce dernier dans la mesure où elle le prive d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts.
La cour d’appel ayant jugé l’inverse, l’affaire devra être également rejugée sur ce point.
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Cour de cassation, chambre sociale, 28 juin 2023, n° 22-11.699 (lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient à l'employeur de démontrer que la rupture du contrat de travail ne constitue pas une mesure de rétorsion à la demande antérieure du salarié d'organiser des élections professionnelles au sein de l'entreprise)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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