Salarié protégé : peut-il être licencié pour avoir travaillé pour un autre employeur pendant la suspension de son contrat ?
Temps de lecture : 4 min
Un salarié protégé peut être licencié par son employeur si l’inspection du travail l’y autorise. Ce peut être le cas si le salarié méconnaît une obligation découlant de son contrat. Un manque de loyauté peut ainsi aboutir à son licenciement s’il a occasionné un préjudice à son employeur. A cet égard, le seul fait pour un salarié protégé de travailler pour un autre employeur alors que son contrat est suspendu ne justifie pas son licenciement.
Ce contenu est réservé aux abonnés à l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / moisProfitez pleinement de l'ensemble de l'actualité des Éditions Tissot : tous les articles payants, le déblocage des dossiers de synthèses à télécharger et les archives des newsletters.
Essayer gratuitement pendant 30 joursJe me connecteSalarié protégé : les conditions requises pour procéder à son licenciement
Certains salariés bénéficient d’une protection contre le licenciement (par ex. les membres du CSE, les candidats aux élections professionnelles, les délégués syndicaux). Pour pouvoir licencier un salarié qui bénéficie d’une telle protection, l’employeur doit obtenir en amont une autorisation de l’inspection du travail.
Il peut à cet égard se fonder sur des fautes commises par le salarié. L’inspection du travail appréciera si elles sont suffisamment graves pour justifier le licenciement. Elle se fondera pour cela sur les exigences propres à l’exécution du mandat dont le salarié est investi et sur les règles applicables à son contrat de travail.
Les agissements du salarié survenus en dehors de l’exécution de son contrat ne peuvent motiver un licenciement pour faute. A moins qu’elles traduisent la méconnaissance d’une obligation découlant du contrat. Tel peut notamment être le cas de l’obligation de loyauté.
Pour en savoir plus sur le licenciement des salariés protégés, nous vous recommandons notre documentation « Les représentants du personnel et la défense des salariés ». Vous pouvez également télécharger le guide de la direction générale du travail pour en savoir plus sur le rôle de l’inspection du travail dans les procédures de rupture du contrat de travail des salariés protégés.

Mais que recouvre l’obligation de loyauté qui repose sur tout salarié ? Le Conseil d’Etat a été amené à se poser la question récemment.
Salarié protégé : le seul fait qu’il travaille pour un autre employeur pendant la suspension de son contrat ne justifie pas son licenciement
Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, un salarié avait travaillé à plusieurs reprises auprès d’un autre employeur durant des périodes de suspension de son contrat de travail. Notamment pendant un arrêt de travail consécutif à un accident de travail.
Ce salarié avait été désigné délégué syndical. Il bénéficiait donc d’une protection particulière contre le licenciement. Une demande d’autorisation de licenciement avait donc été sollicitée auprès de l’inspection du travail. Et avait été accordée avant d’être annulée à la demande du salarié.
Le Conseil d’Etat a confirmé la décision d’annulation de l’autorisation de licenciement. Il n’était pas établi selon lui que l’activité professionnelle accomplie par le salarié lors de périodes de suspension de son contrat avait porté préjudice à son employeur. De ce fait, aucun manquement à son obligation de loyauté n’était caractérisé.
En l’espèce, l’employeur prétendait subir un préjudice en termes d’image et de réputation. Argument non retenu par la cour administrative d’appel. Comme l’accusation selon laquelle le salarié aurait transmis des informations confidentielles à l’autre employeur pour lequel il avait travaillé, faute d’être établie.
La cour considère également que l’activité des deux sociétés ne se recouvrait pas et qu’elles n’étaient pas concurrentes, contrairement à ce qu’affirmait l’employeur. En effet, l’activité exercée par le salarié pendant la suspension de son contrat (activité de coursier consistant au transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d'origine humaine vers des professionnels de santé) différait de celle accomplie auprès de son employeur (chauffeur-livreur de colis).
La position adoptée par le Conseil d’Etat dans cette décision est conforme à celle retenue par la Cour de cassation pour les salariés non protégés.
Conseil d’Etat, 4e et 1e chambres réunies, 4 février 2022, n° 438412 (un manquement du salarié protégé à son obligation de loyauté peut justifier son licenciement pour faute. Mais seulement s’il occasionne un préjudice à son employeur. Tel n’est pas nécessairement le cas lorsque le salarié exerce une activité auprès d’un autre employeur durant une période de suspension de son contrat. Notamment lorsqu’il ne s’agit pas d’une société concurrente)
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
- Inaptitude d’un salarié protégé : jusqu’où va l’obligation de reclassement de votre employeur ?Publié le 29/07/2022
- Quels sont les droits à indemnisation du salarié protégé ne pouvant être réintégré ?Publié le 22/07/2022
- Autorisation de licenciement économique d’un salarié protégé : la recherche de reclassement doit être examinéePublié le 01/07/2022
- Temps de déplacement des représentants du personnel : quelle contrepartie pour le temps de trajet réalisé en dehors de l’horaire normal de travail ?Publié le 27/05/2022
- Salarié protégé : les conséquences fiscales de l’indemnité d’éviction ne constituent pas un préjudice réparablePublié le 13/05/2022