Salarié protégé : un changement de ses conditions de travail ne peut lui être imposé
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L’employeur peut-il, à l’instar des salariés non protégés, imposer aux salariés protégés un changement de leurs conditions de travail ? Le doute commençait, pour certains, à prendre de l’épaisseur. Pour autant, la récente réponse formulée par la Cour de cassation, négative, devrait permettre de le dissiper.
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Modification du contrat de travail et des conditions de travail : quelles différences ?
Le contrat de travail est un contrat vivant qui, de fait, est amené à évoluer dans ses conditions d’exécution.
Seulement, pour valablement consacrer ces mutations, l’employeur doit se reporter à leur nature et plus précisément à la distinction « modification du contrat de travail », « modification des conditions de travail ».
En effet, si ce dernier aspire à réviser un élément essentiel du contrat de travail, il doit, en vertu de la force obligatoire des contrats, recueillir le consentement du salarié. Cela concerne, pour l’essentiel, la modification de :
- la rémunération du salarié (ex : salaire de base, structure, mode de calcul) ;
- sa durée du travail (ex : passage à un temps partiel) ;
- sa qualification ou de ses fonctions ;
- et son lieu de travail (mutation dans un autre secteur géographique).
Notez le
Si le salarié s’oppose, l’employeur peut abandonner son projet ou bien envisager une mesure de licenciement fondée sur le motif à l’origine de la modification proposée.
A l’inverse, il peut, en vertu de son pouvoir de direction, imposer au salarié une modification d’un élément non déterminant de son contrat de travail. Ce qui peut notamment viser :
- les horaires de travail ;
- ou encore une mutation dans un même secteur géographique.
Notez le
Si le salarié refuse cette modification, il commet une faute et s’expose à un risque de licenciement.
Les règles précédemment exposées concernent les salariés ordinaires, c’est-à-dire les non-bénéficiaires d’un statut protecteur. Mais justement, qu’en est-il de ceux ayant la qualité de salarié protégé ?
La position initiale de la Cour de cassation fut de considérer qu’une modification, tant des conditions que du contrat de travail, ne saurait leur être imposée sans leur accord.
S’agissant des conditions de travail, certains observateurs pressentaient un fléchissement de cette ligne au vu des récentes décisions de la Cour de cassation et de la position de l’administration du travail. Dès lors, à quoi fallait-il s’attendre ? A un revirement ou, au contraire, à une confirmation de jurisprudence ?
Par cet arrêt du 4 octobre 2023, il semblerait que la position initiale de la Cour de cassation soit définitivement entérinée.
Modification des conditions de travail du salarié protégé : inenvisageable sans son accord
L’affaire présentée à la Haute juridiction reposait sur les faits suivants.
En 2016, une salariée, alors employée en tant qu’agent de service, est convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Dans les jours suivants l’entretien, cette dernière présente sa candidature pour les prochaines élections professionnelles de l’entreprise.
Une dizaine de jours plus tard, l’employeur lui notifie sa mutation disciplinaire sur un autre site établi dans le même secteur géographique.
En 2018, elle saisit le juge prud’homal d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur. D’après elle, sa mutation ne pouvait lui être imposée. Et pour cause, dans la mesure où sa candidature lui conférait la qualité de salariée protégée, l’employeur devait solliciter son acceptation. En s’y abstenant, ce dernier s’est rendu coupable d’une modification unilatérale de ses conditions de travail.
La cour d’appel de Versailles fait droit aux demandes de la salariée, ce que l’employeur conteste.
Ce dernier considère en effet que pour apprécier si, oui ou non, un salarié bénéficie d’un statut protecteur, il faut se placer à la date de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable. N’ayant pas connaissance de la candidature de la salariée à cet instant précis, celle-ci ne pouvait pas s’en prévaloir.
Pour autant, la Cour de cassation écarte la temporalité soutenue par l’employeur et rejette son pourvoi. Elle partage alors deux précisions notables.
En premier lieu, que l’employeur ne peut aucunement imposer à un salarié protégé une modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail.
Deuxièmement, qu’il faut se placer au jour de la notification de la modification pour apprécier l’état des connaissances de l’employeur.
En l’espèce, l’employeur était au fait de la candidature de la salariée au moment où il lui a notifié sa mutation. Par conséquent, il devait recueillir son consentement.
Cela n’étant pas le cas, la modification appliquée était irrégulière et justifiait l’action de la salariée.
Bon à savoir
Si la portée de cette solution vous interroge toujours, sachez que la Cour de cassation l’a également retenue dans un autre arrêt rendu ce même jour (Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 22-13.960) mais aussi dans un arrêt du mois de février (Cass. soc. 15 février 2023, n° 21-20.572).
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Cour de cassation, chambre sociale, 4 octobre 2023, n° 22-12.922 (aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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