Télétravail : un droit à indemnisation identique pour tous les salariés ?
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Face à la pandémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés (Code du travail, art. L.1222-11).
Dans ce cadre, le salarié ne peut pas refuser le télétravail et n’a pas d’avenant à son contrat de travail à signer.
Des difficultés peuvent surgir lorsque ce télétravail exceptionnel est utilisé alors qu’il existe un accord pour du télétravail régulier comme l’illustre une affaire récente. Les salariés en télétravail exceptionnel peuvent-ils revendiquer une indemnité prévue dans le cadre de l’accord télétravail régulier ?
En l’espèce, une entreprise a signé avec les 4 organisations syndicales représentatives un accord relatif au télétravail prévoyant :
- un recours au télétravail régulier des salariés de 2 jours maximum par semaine, indemnisé à hauteur de 5 euros brut par jour télétravaillé et soumis à la signature d’un avenant ;
- un télétravail occasionnel, sans avenant ni indemnité dans la limite de 40 jours par an.
Suivant les recommandations des pouvoirs publics, l’entreprise a placé tous ses salariés en télétravail à 100 % en raison de la crise sanitaire sans distinguer selon qu’ils faisaient ou non l’objet d’un avenant télétravail. Mais seuls les salariés en situation de télétravail régulier ont perçu une indemnité de 5 euros brut par jour pour un maximum de 2 jours par semaine. La société a ensuite refusé toute demande d’avenant télétravail sollicité par les salariés depuis le début de la crise sanitaire.
Le CSE a alors demandé lors des différentes réunions l’indemnisation des frais occasionnés par le télétravail pour tous les salariés (à savoir l’indemnité de 5 euros par jour) mais la direction a refusé. Ce qui a poussé le CSE et 4 syndicats à agir en justice. Deux questions se posent alors :
- ont-ils compétence pour agir ?
- une indemnité doit-elle être versée à tous les salariés ?
Indemnisation du télétravail : intérêt à agir du CSE et des syndicats
Dans cette affaire, le tribunal judiciaire a admis que les syndicats pouvaient réclamer cette indemnité pour les salariés.
Leur action repose principalement sur l’application du principe d’égalité de traitement s’agissant de l’indemnisation des frais exposés par les salariés en situation de télétravail rendu nécessaire par l’épidémie de Covid- 19. Cela relève en effet de la défense de l’intérêt collectif de la profession. La question de l’application loyale de l’accord télétravail est également abordée.
Pour le CSE, les choses sont un peu plus compliquées. Il justifie d’un intérêt personnel à agir s’agissant de l’indemnisation des salariés en situation de télétravail imposé par la crise sanitaire. En effet, la mise en œuvre et la définition des modalités du télétravail au sein de l’entreprise a un impact sur la santé et les conditions de travail, or il s’agit bien d’un champ de compétence du CSE.
En revanche, il n’entre pas dans ses prérogatives de formuler des demandes de régularisation des droits des salariés ni de solliciter l’application d’un accord collectif.
Indemnisation du télétravail : ce qu’ont décidé les juges sur le versement de l’indemnité
Le tribunal considère dans cette affaire qu’il y a bien une différence de traitement qui n’est pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes matériellement vérifiables. Cette différence de traitement résulte du fait que seuls les salariés en télétravail régulier ayant signé l’avenant dans le cadre de l’accord télétravail ont perçu une indemnisation.
Il relève que pourtant l’ensemble des salariés se trouvait en effet sous le même régime juridique de mise en œuvre du télétravail. Il s’agissait en effet d’un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
La différence de traitement repose par ailleurs sur une exécution déloyale de l’accord télétravail puisque l’entreprise a empêché les autres salariés d’y prétendre.
Pour le tribunal, l’indemnisation forfaitaire conventionnellement déterminée (correspondant à 5 euros brut par jour réellement effectué en télétravail) doit être appliquée, à tous les salariés placés en situation de télétravail sur le fondement du principe de l’égalité de traitement et pour tous les jours télétravaillés. L’entreprise a donc été condamnée à la verser sous astreinte.
Le tribunal rappelle également que la prise en charge des frais professionnels dans le cadre de la mise en oeuvre du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou force majeure est prescrite par l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020.
Enfin, le tribunal a également reconnu que la déloyauté dans l’exécution de l’accord collectif télétravail a causé un préjudice aux salariés de l’entreprise et a atteint l’intérêt collectif de la profession défendue par les syndicats. Des dommages et intérêts ont donc été attribués aux syndicats.
Notez qu’il ne s’agit toutefois que d’une décision du tribunal judiciaire, susceptible d’appel. La Cour de cassation ne s’est pas positionnée sur le sujet.
Tribunal judiciaire de Paris, 28 septembre 2021, n° 21/06097 (lorsque tous les salariés se trouvent sous le même régime juridique de mise en œuvre du télétravail, ils doivent tous percevoir une indemnité)
Juriste en droit social
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