Utilisation des heures de délégation en dehors des horaires habituels de travail : une nécessité à justifier
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Utilisation des heures de délégation : principe général
Les heures de délégation doivent être utilisées conformément à leur objet. Dans le cadre du CSE, cela signifie qu’elles doivent exclusivement servir à la réalisation des missions du comité. Par exemple, il n’est pas possible d’utiliser ces heures à des fins syndicales, et inversement.
Pour l'exercice de leurs fonctions, les membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique et les représentants syndicaux au comité peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l'entreprise.
Ils peuvent également, tant durant les heures de délégation qu'en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de leur mission, notamment auprès d'un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement de son travail.
Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et rémunéré à l'échéance normale. Les heures de délégation peuvent être prises durant les horaires habituels de travail ou en dehors des horaires habituels de travail lorsque les nécessités du mandat l’imposent.
Dans ce dernier cas, les heures de délégation ouvrent alors droit :
- soit, à une majoration pour heures supplémentaires ;
- soit, à un repos compensateur de remplacement si un accord collectif l’envisage.
D’une manière générale, les heures de délégation utilisées dans le cadre du crédit d’heures normal, bénéficient d’une présomption de bonne utilisation. Cela signifie que l’employeur qui conteste la bonne utilisation de ces heures doit au préalable procéder au paiement avant toute contestation.
Il en va autrement en cas de dépassement pour circonstance(s) exceptionnelle(s). Dans ce cas, l’élu devra d’abord motiver les raisons du dépassement avant de voir les heures payées.
Dans tous les cas, l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire.
Zoom TISSOT
L’employeur ne peut en aucun cas instaurer un système de contrôle de l’activité des élus. Ces derniers ne peuvent se voir imposer une autorisation préalable de la direction avant la prise des heures de délégation.
Néanmoins, dans un souci de bonne organisation des services, l’employeur peut demander aux membres du CSE une information préalable afin qu’il puisse s’organiser en conséquence : date de l’absence et sa durée probable, etc.
Il est possible de mettre en place des bons de délégation à la condition qu’ils ne permettent pas un contrôle de l’activité des élus, ni ne s’assimilent à un système d’autorisation préalable à la prise d’heures.
Utilisation des heures de délégation : la prise d’heures en dehors des horaires habituels de travail doit se justifier par des éléments objectifs
La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 16 décembre 2020, est venue apporter quelques précisions quant au paiement des heures de délégation prises en dehors des horaires habituels de travail et en cas de dépassement du crédit.
En l’espèce, un membre du CHSCT et représentant de section syndicale, reproche à son employeur le non-paiement à l’échéance normale d’heures de délégation.
Ce représentant du personnel a principalement pris ses heures de délégation en dehors de ses horaires de travail, à savoir le soir, le week-end et les jours fériés, et ce pendant trois ans.
Pour justifier cette organisation, il invoque une surcharge de travail l’empêchant de se libérer pendant ses heures habituelles mais également son besoin d’échanger avec les salariés travaillant en horaires décalés. Il demande le paiement majoré de ces heures au titre d’heures supplémentaires, d’heures de nuit et de travail du dimanche.
Son employeur conteste ses arguments et argue que l’élu ne produit aucun élément tangible permettant de justifier ces prises d’heures systématiques hors temps de travail.
La Haute juridiction donne raison à l’entreprise et rappelle au préalable deux choses :
- que le crédit d’heures de délégation peut être pris en dehors de l’horaire normal de travail et en sus du temps de travail effectif lorsque les nécessités du mandat le justifient et que l’utilisation de ce crédit est présumée conforme à son objet ;
- que ni la présomption de bonne utilisation des heures de délégation, ni le paiement de plein droit de ces heures ne sont applicables aux heures prises au-delà du contingent fixé par la loi ou l’accord collectif. Dans ce cas, il appartient au représentant du personnel d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement de ses heures de délégation de même que la conformité de l’utilisation des heures excédentaires avec sa mission.
En conséquence de quoi, la Cour estime ici que le représentant du personnel ne justifie pas de circonstances exceptionnelles permettant de considérer que ses conditions de travail et les nécessités de son mandat impliquent une prise systématique des heures de délégation en dehors des horaires de travail pendant trois ans.
De fait, l’employeur est en droit de contester le caractère nécessaire de ces heures, et donc leur paiement au titre d’heures supplémentaires.
Cour de cassation, chambre sociale, 16 décembre 2020, n° 19-19.685 (c’est au salarié représentant du personnel d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement de ses heures de délégation de même que la conformité de l’utilisation des heures excédentaires avec sa mission)
Gérant de la société FOKUS dédiée à la formation et à l'accompagnement des représentants du personnel (www.fokus-cse.com)
https://www.fokus-cse.com
Juriste et formateur en droit social
Spécialiste des relations sociales
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