Vidéosurveillance : un défaut d’information ne rend pas toujours l’enregistrement inutilisable en cas de litige
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Avant d’installer un dispositif de vidéosurveillance, l’employeur doit informer les salariés et vous consulter. S’il ne le fait pas, le dispositif de vidéosurveillance est illicite. Attention, sous certaines conditions, les enregistrements peuvent quand même être utilisés en cas de litige.
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Vidéosurveillance : l’information des salariés et la consultation du CSE sont requises
Dès lors que l’employeur met en œuvre dans l’entreprise des moyens ou techniques permettant de contrôler l’activité des salariés, il doit préalablement en informer et consulter le comité social et économique (CSE) (Code du travail, art. L. 2312-38). S’il ne le fait pas, il commet un délit d’entrave à votre fonctionnement, qui l’expose à une peine d’amende de 7500 € (C. trav., art. L. 2317-1).
Bon à savoir
Cette obligation vise la mise en place du badge électronique, de la géolocalisation, de la vidéosurveillance, d’écoutes, etc.
Les modalités d’organisation de cette consultation sont définies par un accord d’entreprise signé par les organisations syndicales représentatives majoritaires dans l’entreprise, ou à défaut de délégué syndical, par un accord signé par la majorité des élus titulaires. Faute d’accord, c’est à l’employeur de déterminer les informations devant être remises aux élus pour leur permettre de rendre un avis éclairé et motivé, par le biais d’un document écrit.
Pour en savoir plus sur ce sujet nous vous conseillons la documentation « CSE ACTIV » et notamment la fiche « Je suis consulté sur la mise en place de dispositifs de surveillance des salariés ».
L’employeur est par ailleurs tenu d’informer chaque salarié préalablement à la mise en place d’un dispositif permettant de collecter des informations le concernant personnellement (C. trav., art. L. 1222-4).
L’absence de consultation du CSE et/ou d’information des salariés préalablement à la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance le rend illicite lorsqu’il vise à surveiller l’activité des salariés.
Et en principe, une faute relevée grâce à ce procédé ne pourra pas être utilisé comme un élément de preuve en cas de litige.
Le fait fautif ne pourra pas faire l’objet d’une sanction, voire d’un licenciement, même si le salarié avoue sa faute lors d’une audition devant des agents de police, par exemple.
Mais, sous certaines conditions, l’illicéité d’un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet par les juges.
Vidéosurveillance : recevabilité possible d’une preuve illicite
En effet, avant de rejeter un élément de preuve illicite, les juges recherchent si son utilisation peut porter atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Pour cela, ils mettent en balance :
- le droit au respect de la vie personnelle du salarié. L’atteinte à sa vie personnelle doit être strictement proportionnée au regard du but poursuivi ;
- et le droit à la preuve. La production d’éléments illicites doit être indispensable à l’exercice de ce droit.
Ainsi, en présence d’enregistrement illicites, les juges doivent d'abord :
- s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur ;
- vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifient le recours à la surveillance vidéo et l'ampleur de celle-ci.
Ensuite, les juges recherchent si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.
Ainsi, dans une affaire que vient de juger la Cour de cassation, une salariée, prothésiste ongulaire, est licenciée pour faute grave suite à des soupçons de vol et d’abus de confiance. Elle conteste son licenciement. Les faits qui lui étaient reprochés avaient notamment été révélés par un audit mis en place au cours des mois de juin et juillet 2013. Il mettait en évidence de nombreuses irrégularités d’enregistrement et d’encaissement en espèces des prestations effectuées par la salariée. L’employeur faisait état de cet audit dans la lettre de licenciement.
Mais devant les juges, ce dernier présentait comme éléments de preuve des enregistrements extraits d'un système de vidéosurveillance irrégulièrement mis en place. Ils ont été rejetés du débat par la cour d’appel.
Dans un premier temps, la cour d’appel avait constaté que la salariée n'avait été informée :
- ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance mis en place dans les « nail bar » ;
- ni de la base juridique qui justifiait ce dispositif.
L’employeur n’avait également pas d’autorisation préfectorale préalable.
Les enregistrements litigieux de la vidéosurveillance constituaient donc un moyen de preuve illicite.
Ensuite, la cour relevait que pour justifier le recours indispensable de la vidéosurveillance, l’employeur faisait valoir que ces enregistrements avaient permis de confirmer les soupçons de vol et d’abus de confiance révélés par l’audit.
A partir de là, la cour constate que les enregistrements illicites n’étaient donc pas indispensables puisque l’employeur disposait d’un autre moyen de preuve : l’audit qu’il n’avait malheureusement pas versé aux débats.
L’existence de ce seul audit permettait d’écarter des débats les enregistrements illicites et ce, même si la réalité de la faute de la salariée n’est pas établie par les autres pièces produites aux débats.
Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 2023, n° 21-17.802 (une preuve illicite n’est pas rejetée des débats notamment si sa production est indispensable à l’exercice de ce droit à preuve. Ce qui n’est pas le cas si l’employeur dispose d’un autre moyen de preuve)
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