Absence d’avis du médecin du travail sur le poste de reclassement : cela n’invalide pas forcément la procédure de licenciement !
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Inaptitude et obligation de reclassement : rappel
Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur doit engager la procédure d’inaptitude prévue par le Code du travail. Cette procédure se déroule en deux phases : procédure de reclassement puis, le cas échéant, mesure de licenciement pour inaptitude.
Le licenciement pour inaptitude ne peut être envisagé par l’employeur qu’après que celui-ci ai procédé à des recherches et des propositions de postes de reclassement au salarié inapte.
Les propositions de reclassement de l’employeur doivent obligatoirement prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités restantes du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
A défaut, l'employeur pourrait être considéré comme n’ayant pas respecté son obligation de reclassement.
En cas de difficulté, de désaccord ou de nécessité de précisions sur les postes de reclassement envisagés, il appartient à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis du médecin du travail.
En ce cas, comment apprécier l’absence de précision écrite du médecin du travail aux sollicitations de l’employeur vis-à-vis d’un poste de reclassement compatible avec l’état de santé du salarié ? Et quel impact si l’employeur procède au licenciement pour inaptitude du salarié ?
Absence d’avis du médecin du travail sur le poste de reclassement envisagé : conséquences sur la validité du licenciement
L’absence de réponse du médecin du travail aux sollicitations de l’employeur sur le poste de reclassement envisagé ne prive pas à elle seule le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse. C’est en ce sens que la Cour de cassation a tranché dans un arrêt du 9 janvier dernier.
Dans cette affaire, un salarié est engagé en 2006 en qualité de soudeur. Il est licencié en 2010 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
En appel de la décision du conseil des prud’hommes, la cour d’appel de Colmar, le 16 mai 2017 décide que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement de dommages intérêts.
A l’appui de sa décision, la cour relève que le salarié a demandé à bénéficier d’un reclassement sur plusieurs postes proposés par l’employeur dont un compatible avec les préconisations initiales du médecin du travail, figurant sur l’avis d’inaptitude. L’employeur décide néanmoins de licencier le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Se justifiant, l’employeur expose qu’il a tenté d’obtenir, par téléphone, l’avis du médecin du travail sur le poste de reclassement envisagé, estimant que certains aspects du poste n’étaient pas compatibles. Néanmoins la cour n’entend pas cet argument et estime qu’à défaut d’avis écrit et circonstancié du médecin du travail sur ce poste de reclassement, la recherche de reclassement ne répond pas aux exigences légales.
Cette décision est toutefois cassée par la Cour de cassation. En effet, les hauts magistrats estiment que l’employeur doit bien prendre en considération les propositions écrites du médecin du travail en vue du reclassement du salarié inapte. Toutefois, il lui appartient également de tirer les conséquences du refus du médecin de donner son avis sur le poste de reclassement envisagé. Ils relèvent par ailleurs que la cour d’appel avait bien constaté la sollicitation par l’employeur de l’avis du médecin du travail sur le poste de reclassement envisagé. L’avis du médecin du travail avait donc bien été sollicité, nonobstant l’absence de réponse de ce dernier. La procédure visée à l’article L 1226-2 du Code du travail, dans sa rédaction applicable à l’affaire, avait donc bien été respecté.
De telle sorte, le licenciement prononcé par l’employeur était bien pourvu d’une cause réelle et sérieuse.
En conclusion, si l’employeur doit prendre en considération les propositions du médecin du travail, au besoin en les sollicitant, le licenciement pour inaptitude ne peut pas être invalidé au seul motif que le médecin du travail n’a pas prononcé d’avis sur le poste de reclassement envisagé.
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Cour de cassation, 9 janvier 2019, n° 17-21.516 (c'est à l'employeur de tirer les conséquences du refus du médecin de travail de donner lui-même son avis sur le poste de reclassement envisagé)
Juriste droit social
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