Absentéisme et risques psychosociaux : même combat ?

Publié le 19/06/2013 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:24 dans Risques psychosociaux.

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Dans une économie dominée par la chasse aux dépenses inutiles, la recherche de productivité, la lutte contre les coûts sociaux cachés incombe aux directions des Ressources Humaines. Or, elles s’attaquent encore très peu à la question de l’absentéisme, qui représente pourtant un de ses principaux coûts. Il est vrai qu’il n’est pas évident de qualifier l’absentéisme et d’en déterminer les causes. C’est là que le lien avec les risques psychosociaux se fait et que se trouvent les leviers de la performance.

Calcul de l’absentéisme

Selon leurs modes de calculs respectifs, l’ANACT et l’INRS avancent chacun un taux d’absentéisme national de 7 % et de 4 %. Le baromètre Alma Consulting l’évalue à 3,84 % en 2011. Dans tous les cas, cela représente 14 journées en moyenne d’arrêt par salarié et par an.

L’objectif pour l’entreprise étant de se concentrer sur ce sur quoi elle peut agir, nous proposons de calculer un taux basé sur les absences non prévues (hors congés, congés maternité, formation, etc.) :

Total des jours ou heures d’absence non prévus / Total nombre de jours et d’heures théoriques du travail (planifiées)

En estimer le coût et le risque

Le coût de l’absentéisme varie fortement d’une entreprise à l’autre selon l’existence ou non de jours de carence, selon le complément de salaire de l’employeur, les primes d’assurance et leur indexation sur le taux d’absentéisme, le coût du remplacement (intérim, cabinet de recrutement, heures supplémentaires, temps de formation ou d’accompagnement du nouveau salarié), l’impact de l’absence sur la production, le retard pris dans le développement de projets, l’impact sur le moral des équipes, etc. Le coût pris dans son ensemble apparaît donc rapidement important, bien qu’il soit pour une part mutualisé grâce à la prise en charge des salaires par la Sécurité sociale. C’est une des raisons qui explique le faible intérêt des entreprises pour le sujet, contrairement aux pays dépendant de systèmes de santé privés financés par les assurances des entreprises.

Pris dans toute sa dimension, l’absentéisme se révèle porteur de risques pour l’activité de l’entreprise, qu’il convient d’identifier et de réduire.

Prendre en charge l’absentéisme

Caractériser l’absentéisme

Calculer le taux d’absentéisme revient à se demander quelles absences retenir et surtout quelles absences peuvent-être évitées.

Elles peuvent être classées en différentes catégories : les absences prévues et les non prévues (arrêts maladie, accidents de travail, maladies professionnelles, grèves, retards) et parmi elles, les absences remédiables selon leurs natures et leurs causes. Une fois qualifié, il convient de caractériser l’absentéisme selon les populations de l’entreprise et leurs situations (management, service, lieux, etc.) pour en tirer des enseignements, par exemple : un type d’absence ou de maladie spécifique à un service. Cette classification doit être complétée en croisant les données avec d’autres indicateurs sociaux-économique et de santé, par exemple : le turn-over, les horaires, etc.

On se rapproche ainsi de l’analyse des causes.

S’attaquer aux causes

L’objectif est de déterminer les raisons profondes qui amènent les salariés à s’absenter, à tomber malade ou à se blesser. Relevant de facteurs matériels et immatériels, les causes sont généralement multiples et complexes à déterminer. L’ergonomie d’un poste, son environnement physique peut être en cause, de même qu’un déficit de reconnaissance provoquant un mal-être physiquement ressenti.

On admet aujourd’hui qu’un nombre important de troubles musculo-squelettiques (TMS) est lié à des problématiques psychosociales.

Les désagréments et les dysfonctionnements sont générateurs, à terme, de perte de concentration, de fatigue, de tensions pouvant provoquer des erreurs, des accidents, des absences. Les problèmes psychosociaux sont des causes importantes des arrêts. Rappelons que 28 % des salariés déclarent se mettre en arrêt maladie pour excès de stress (INRS 2007) et que les études de la DARES confirment que « l’absentéisme augmente fortement avec le niveau d’exposition aux contraintes physiques et psychosociales » (publication DARES février 2013). Comme pour les risques psychosociaux, il faut donc chercher du côté des conditions physiques et matérielles, des problèmes liés à l’organisation, au sens du travail, au climat social, aux relations et comportements, aux pratiques managériales, à l’organisation du travail, à l’autonomie, à la différence entre travail prescrit et réel, au déséquilibre ressenti entre vie privée / vie professionnelle, etc.

Il apparaît ainsi clairement en quoi l’absentéisme est une conséquence des problèmes psychosociaux.

Enfin, les facteurs d’ordre « privé » comme un enfant malade, sont à prendre en compte, en sachant que l’entreprise peut agir par le biais des horaires de travail, des services aux salariés, etc.

Et agir

C’est en échangeant avec les salariés concernés qu’on comprend les mécanismes qui mènent à l’absentéisme. En effet, les meilleurs résultats s’obtiennent avec une prise de conscience partagée des causes et des conséquences pour l’entreprise, les individus et le collectif de travail, avec une co-définition des mesures et des changements à réaliser ainsi qu’un suivi régulier des progrès.

Parmi les mesures, le rappel des règles internes avec visites médicales de contrôle, et les primes au présentéisme sont davantage des solutions d’urgence ou de crise, parce qu’elles ne fonctionnent que sur le court terme. En revanche les entretiens de retour peuvent intégrer des plans d’action globaux qui s’attaquent aux sources des dysfonctionnements organisationnels et managériaux ainsi qu’à la démotivation des salariés. Car une entreprise marquée par l’absentéisme souffre généralement d’un désengagement. Pour le dire autrement, en prenant l’image d’une mécanique, les équipes sont en sous rendement alors qu’elles surchauffent ! Signe que l’entreprise est manifestement mal réglée. Dans une économie hyper compétitive, l’enjeu la lutte contre l’absentéisme passe par le bien-être au travail.

Notez-le
L’Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail a publié en 1999 une estimation du coût pour la société de tous les problèmes de santé liés au travail. Les estimations faites par un certain nombre d’États membres de l’Union européenne varient de 2,6 à 3,8 % de leur PIB.

Benjamin Gay