Accident du travail : l’éventuel comportement du salarié est sans incidence sur la qualification
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Il est de jurisprudence constante que la présomption d’imputabilité, présomption simple, peut être combattue par la démonstration par l’employeur, ou la caisse primaire, de l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.
Les contours de cette exigence ne sont pas expressément prévus par les dispositions du Code de la sécurité sociale mais sont interprétés strictement par les juridictions, comme l’illustre le récent arrêt de la Cour de cassation.
Le comportement du salarié à l’origine du différend
Dans cette affaire, un salarié avait déclaré présenter un syndrome anxio-dépressif, qu’il estimait être en lien avec son travail. En effet, la veille, une altercation était survenue entre le salarié déclarant et son supérieur hiérarchique. Il soutenait que son état psychologique était consécutif à cet événement.
La cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 7 février 2019, avait rejeté le caractère professionnel de l’accident.
Pour ce faire, après avoir reconnu que la présomption d’imputabilité s’appliquait à l’espèce, elle avait notamment considéré qu’il existait des antécédents psychologiques et, surtout, qu’il ressortait des témoignages et pièces produites que le salarié était lui-même à l’origine de l’altercation avec son supérieur hiérarchique.
Ainsi, la juridiction avait estimé que le comportement du salarié justifiait le refus de prise en charge initial.
Saisie sur pourvoi du salarié, la Cour de cassation censure, assez logiquement, la cour d’appel au motif que l’existence d’une cause totalement étrangère au travail n’était pas démontrée.
S’il faut ici préciser que cet arrêt n’est pas rendu au visa des dispositions du Code de la Sécurité sociale, mais au visa du règlement intérieur de la Caisse de coordination des assurances sociales de la RATP, la solution est conforme à la position constante des juridictions sur le sujet.
En effet, la présomption d’imputabilité trouvait application, de sorte que seule l’existence d’une cause totalement étrangère au travail aurait pu justifier l’absence de caractère professionnel de la lésion.
L’incidence du comportement du salarié
Or, l’éventuel comportement fautif du salarié ne constitue pas nécessairement cette cause étrangère et n’est exclusif du bénéfice de la législation professionnelle qu’en cas de faute intentionnelle ou faute inexcusable (CSS, art. L 375-1 et L 453-1)
La faute intentionnelle se caractérise par l’acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles. Elle ne peut résulter d’une simple imprudence (CA Montpellier, 2 décembre 2020, n° 16/05178)
La faute inexcusable, quant à elle, consiste en une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant, sans raison valable, son auteur à un danger dont il aurait dû avoir connaissance.
En l’espèce, la faute du salarié, à la supposer établie, ne semble ni intentionnelle ni inexcusable, de sorte qu’elle ne pouvait justifier à elle-seule que la présomption d’imputabilité soit écartée.
Si on peut parfois reprocher à la Haute Cour une lecture un peu trop rigoriste du principe, force est de constater que la solution de cet arrêt est assez logique en droit.
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Cour de cassation, 2e chambre civile, 28 janvier /2021, n° 19-25.722 (l'accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail de la victime, doit avoir une cause totalement étrangère au travail pour ne pas être traité comme un accident du travail)
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Titulaire d’un DESS DIA, et expert en droit de la Sécurité sociale, j’interviens depuis plus de douze années dans le domaine des risques professionnels.
Après de longues expériences en cabinets, …
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