Accident survenu pendant la pause déjeuner : c’est un accident de travail !

Publié le 06/05/2019 à 08:41 dans Accident du travail.

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L’accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail est considéré comme un accident du travail. Pourtant, qu’advient-il d’un accident survenu au retour d’une pause déjeuner, constitué par l’utilisation d’outils totalement étrangers au travail commandé par l’employeur ? Cet accident doit-il être qualifié d’accident du travail ?

Critère de l’accident du travail : rappel

L’accident du travail, selon l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale, est défini comme l'accident survenu, quelle qu'en soit la cause, par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L’accident du travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité dès lors qu’il répond à la définition légale précitée.

Si la présomption n’est pas renversée, l’accident survenu au temps et au lieu de travail est qualifié d’accident de travail.

Or à cette définition légale, il faut y rajouter les éléments de définition dégagés par la jurisprudence. Ainsi pour les juges, les éléments caractérisant un accident du travail sont :

  • un fait accidentel, qui peut être constitué d'un événement ou d'une série d'événements survenus à une date certaine ;
  • une lésion, notion qui tend à être élargie à toute atteinte à l'intégrité de la personne ;
  • un lien de causalité entre l'accident et le dommage subi établi par la présomption d'imputabilité, ou, à défaut, par la victime.

Ainsi l’accident est réputé être professionnel lorsqu’il survient au temps et au lieu de travail. Mais perd sa qualification l'accident qui intervient pendant l'horaire de travail mais en dehors de l'entreprise, pour un salarié qui effectue une démarche d'ordre personnel, même en accord avec l'employeur.

De même, l’accident survenu au temps et au lieu de travail peut ne pas être qualifié de professionnel si au moment des faits le salarié n’était pas soumis à l’autorité de l’employeur.

Dans la lignée de ces jurisprudences, la Cour de cassation s’est prononcée récemment sur la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident survenu, au retour d’une pause déjeuner, à un salarié blessé par un de ses collègues… par une flèche.

Accident survenu au temps et au lieu de travail : c’est un accident de travail

Dans cette affaire, deux salariés travaillaient chez un client à la rénovation de la toiture d’une résidence secondaire. Au retour d’une de leur pause déjeuner, l’un deux s’emparent d’un arc et d’une flèche appartenant au client dans la grange où les ouvriers entreposaient leur matériel. En l’utilisant, le salarié blesse son collègue grièvement à la tête. Le salarié victime est alors déclaré en accident de travail.

La procédure porte alors sur le fait de savoir si cet accident relève ou non de la qualification d’accident de travail.

Dans un premier temps, la cour d’appel en sa chambre correctionnelle rejette la qualification d’accident du travail. En effet, les juges constatent que si l’accident s’est produit sur le lieu de travail et pendant la journée de travail, celui-ci n’a aucun lien avec l’exécution du contrat de travail puisque les deux salariés revenaient d’une pause déjeuner, n’avaient pas encore repris leur activité, que l’un d’eux a pris l’initiative, sans aucun ordre de l’employeur, d’aller chercher un arc et des flèches, objets complètement étrangers à la rénovation de la toiture. Les blessures du salarié avaient donc une origine totalement étrangère au travail.

Un pourvoi est formé par le salarié contre cette décision.

Les hauts magistrats cassent l’arrêt de la cour d’appel et retiennent bien le caractère professionnel de l’accident. La Cour de cassation estime que le temps de travail comprend le temps de pause déjeuner, et que donc, l’accident en question est bien survenu sur le lieu et pendant le temps de travail, au préjudice d’un salarié dont il n’est pas rapporté la preuve qu’il se soit soustrait à l’autorité de son employeur ni d’ailleurs que l’accident a une cause entièrement étrangère au travail. L’accident est donc présumé imputable au travail. De ce fait, les conditions de l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale étaient réunies.

Vous voulez en savoir plus sur les critères de reconnaissance de l’accident du travail ? Les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation et jurisprudence en santé sécurité au travail ».


Cour de cassation, chambre criminelle, 5 mars 2019, n° 17-86.984 (un accident survenu pendant une pause déjeuner peut être qualifié d’accident de travail)

Audrey Gillard

Juriste droit social