Altercation verbale entre deux salariés : responsabilité de l’employeur
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L’histoire ordinaire d’une altercation au travail
Une altercation verbale a lieu le 29 juillet 2013 entre deux salariés, M. X. et M. Z., d’une société d’expertise comptable. Ils avaient, a priori, jusqu’alors travaillé pendant 10 ans sans difficulté.
Le lendemain, l’employeur organise une réunion en présence des deux collaborateurs concernés, ainsi que d’une autre salariée pour résoudre leur différend lié à des difficultés de communication. M. Z. présente alors ses excuses à M. X. L’employeur pense donc que l’incident est clos, d’autant que plusieurs réunions collectives sont organisées par la suite sans remontée de problématiques entre les deux collaborateurs.
En avril 2014, M. X. saisit la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour manquement de l'employeur à diverses obligations, dont l'obligation de sécurité.
Finalement, M. X est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement en octobre 2015.
Il sollicite le paiement par l’employeur d’une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail.
L’employeur a-t-il manqué à son obligation de sécurité en l’occurrence ?
Altercation verbale et principes généraux de prévention
La Cour de cassation répond par l’affirmative à cette question :
« ayant relevé que bien qu'ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l'un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d'un nouvel incident, la société n'avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement hormis une réunion le lendemain de l'altercation et des réunions périodiques de travail concernant l'ensemble des salariés, qu'elle n'avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir ce risque, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale (…) » et caractérisant ainsi « un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ».
La Cour de cassation affirme de nouveau l’importance des principes généraux de prévention (PGP) prévus aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; etc.
Leur mise en œuvre n’est pourtant pas chose aisée pour l’employeur lorsque ne sont pas en cause des risques physiques… Ainsi des « difficultés relationnelles » entre deux collaborateurs.
Le 7e PGP invite à « Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, (…) ainsi que ceux liés aux agissements sexistes (…) ».
Dans notre affaire, l’employeur reprochait à la cour d’appel saisie en amont de ne pas s’être expliquée sur la nature de la « mesure concrète » qu’il aurait dû prendre pour prévenir la réalisation de ce risque (renouvellement d’incident).
Rappelons à ce stade que l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail évoquait précisément ces situations. Y était notamment apporté aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants, un cadre concret pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail (sensibilisation, formation adéquate, recours à un médiateur, mesures d’accompagnement…).
Surtout, l’employeur a tout intérêt à s’entourer de professionnels en santé-sécurité au travail qui pourront le conseiller, à commencer par le service de santé au travail.
Cour de cassation, chambre sociale, 17 octobre 2018, n° 17-17.985 (l’entreprise manque à son obligation de sécurité lorsqu’elle ne met pas en place les mesures nécessaires permettant de prévenir ce risque, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale)
Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …
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