Arrêt maladie et absence d’acquisition de congés payés : condamnation de l’Etat !
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Si on s’en tient au Code du travail, un salarié en arrêt pour une maladie non professionnelle ne peut pas aujourd’hui acquérir des congés payés. Cela est pourtant contraire au droit européen. Une situation pour laquelle plusieurs syndicats viennent d’obtenir la condamnation de l’Etat. Est-ce à dire que la réglementation pourrait évoluer rapidement ?
Les différences entre le Code du travail et le droit européen concernant l’acquisition de CP par un salarié malade
L’acquisition de congés payés implique en principe du travail effectif. Un salarié a ainsi droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur (Code du travail, art. L. 3141-3).
Certaines absences sont toutefois assimilées à du travail effectif comme par exemple un congé de maternité ou une maladie professionnelle (dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an).
En revanche, la maladie non professionnelle n’est pas assimilée à du travail effectif en ce qui concerne l’acquisition de congés payés sauf dispositions plus favorables.
Une situation qui est contraire au droit européen et plus particulièrement à la directive 2003/88/CE qui garantit à tous les salariés un minimum de quatre semaines de congés payés annuel et n’impose aucune condition de travail effectif pour acquérir des congés payés.
La CJUE a déjà jugé que cela interdisait dès lors aux Etats membres de l’UE de priver les salariés en arrêt maladie d’un droit à congés payés.
Seulement voilà, cette directive doit être transposée en droit français pour être applicable et ne peut pas en l’état être utilisée à l’encontre d’un employeur privé. Les juges ne peuvent ainsi pas faire droit à la demande d’un salarié qui réclame des congés payés suite à une période d’absence pour maladie.
Bon à savoir
Il en va toutefois différemment si l’employeur est assimilé à une autorité publique. La Cour de cassation a également ouvert une brèche en permettant aux salariés de s’appuyer sur la charte des droits fondamentaux pour demander à ce que le droit interne soit interprété au regard de directives européennes non transposées, voire même écarté au profit de textes européens. Mais cette décision restant isolée, sa portée est incertaine (voir notre article « Congés payés : impact du droit de l’Union européenne sur l’acquisition et le report des congés payés en cas d’arrêt maladie »).
En revanche, il est possible d’engager la responsabilité de l’Etat pour défaut de transposition de la directive. Un salarié l’a déjà fait et a obtenu gain de cause devant un tribunal administratif en 2016 (TA de Clermont-Ferrand, 6 avril 2016, n° 1500608). Cette fois c’est les syndicats qui viennent d’y parvenir.
La cour administrative d’appel de Versailles a ainsi reconnu que les syndicats avaient bien un intérêt à agir au titre du préjudice moral résultant de l'atteinte portée aux intérêts collectifs de leurs adhérents du fait du retard de transposition de la directive. Une décision qui intervient après plusieurs rebondissements dont un premier refus d’intérêt à agir annulé par le Conseil d’Etat.
Dans cette affaire, la cour administrative d’appel a souhaité faire une juste appréciation du préjudice moral causé à l'ensemble des salariés que les syndicats représentent en condamnant l'Etat à verser à chacun des syndicats la somme de 10 000 euros (contre 50 000 euros demandés).
A quoi s’attendre maintenant ?
L’Etat a deux mois pour former un éventuel pourvoi contre cet arrêt même si cela semble peu probable dans la mesure où le retard de transposition ne fait aucun doute.
Dans la logique il faudrait que l’Etat légifère pour mettre en conformité le droit européen et le droit français au risque de voir les contentieux en responsabilité se multiplier. Mais pour le moment rien n’est en cours à notre connaissance. Une loi vient pourtant d’être publiée en mars dernier pour mettre en conformité le droit européen et le droit français mais les congés payés ont étonnamment été les grands oubliés de cette loi dite DDADUE. A suivre !
Cour administrative d'appel de Versailles, formation plénière,17 juillet 2023, n° 22VE00442 (le retard de transposition d’une directive européenne est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat en réparation du préjudice moral subi de ce fait par les salariés que représentent les organisations syndicales requérantes)
Juriste en droit social
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