Ayants droit de la victime d’un accident du travail non décédée : la réparation de leur préjudice est possible !

Publié le 24/07/2019 à 08:44 dans Accident du travail.

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Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail, il peut bénéficier d’une réparation. Ses ayants droit (au sens de la Sécurité sociale) peuvent également prétendre à une rente lorsque la victime est décédée des suites de cet accident. Mais à quelle indemnisation peuvent prétendre les ayants droit d’une victime d’un accident du travail qui n’est pas décédée ?

Réparation des accidents du travail : rappel

Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail, il peut bénéficier d’une indemnisation forfaitaire en réparation de cet accident. Cette réparation comprend :

  • la prise en charge totale des soins résultant de l’accident du travail ;
  • le versement d’indemnités journalières si l’accident a conduit le salarié à bénéficier d’une incapacité temporaire de travail ;
  • et/ou le cas échéant, le versement d’une rente ou d’une indemnité en capital si le salarié dispose d’une incapacité permanente de travail.
Notez-le
Lorsque l’accident de travail résulte d’une faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur (ou de ses préposés), la victime peut agir en responsabilité contre l’employeur afin de bénéficier d’une réparation non plus forfaitaire mais intégrale.

En outre, lorsque l’accident du travail est caractérisé d’infraction au Code pénal (accident de la route, acte de terrorisme, etc..), un système de réparation existe également, prévue à l’article 706-3 du Code de procédure pénale.

Mais la victime ne peut pas cumuler les deux indemnisations. Ainsi, il a déjà été jugé que les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents du travail prévues aux articles L. 451-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale, excluent l’application des dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions. La victime ne peut donc pas bénéficier d’une réparation forfaitaire au titre de son accident du travail et d’une réparation complémentaire par le biais du système d'indemnisation des victimes d'infractions prévue par le Code pénal (voir en ce sens : Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-00.815).

Ces principes valent également pour les ayants droit de la victime qui demanderaient à réparer leurs préjudices résultant de cet accident du travail.

Du point de vue du Code de la Sécurité sociale, les ayants droit sont les conjoints, les enfants et les ascendants de la victime. Ils peuvent bénéficier d’une rente mais uniquement lorsque la victime de l’accident du travail est décédée.

Alors, qu’en est-il de la réparation du préjudice des ayants droit lorsque la victime directe n’est pas décédée ? Peuvent-ils bénéficier d’une indemnisation ? Et si oui sur quel fondement ?

Réparation des accidents du travail : les ayants droit peuvent en bénéficier

Le Code de la Sécurité sociale permet la réparation du préjudice des ayants droit d’une victime d’un accident de travail dans le seul cas où la victime est décédée.

Toutefois, cela n’exclut pas la possibilité pour les ayants droit de demander réparation de leur préjudice par le biais du dispositif de droit commun d’indemnisation des victimes d’infraction.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 23 mai dernier.

Un salarié, Mr S, est blessé dans un accident de travail, lequel était constitutif d’une infraction au Code pénal, sous la qualification de blessures involontaires imputable à un préposé de l’employeur.

La femme et la fille de la victime saisissent la commission d’indemnisation des victimes d’infraction pour obtenir réparation de leurs préjudices.

Les juges de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 22 mars 2018, déclarent recevable la requête des ayants droit de la victime et leur octroient une indemnisation. Ils estiment en effet que la demande d'indemnisation formée par les ayants droit de la victime est recevable car « il ne ressort pas des pièces produites qu'elles soient bénéficiaires d'une indemnisation quelconque du chef de l'accident, les dispositions des articles L. 434-7 et suivants du Code de la Sécurité sociale ne prévoyant le versement d'une rente à l'épouse ou ses enfants qu'en cas d'accident suivi de mort ».

La Cour de cassation va dans le même sens, jugeant que l’épouse et la fille de la victime blessée (et donc non décédée) dans un accident de travail, qui ne bénéficient pas des prestations en réparation de cet accident, ni d’aucune autre indemnisation du fait de cet accident, n’ont pas la qualité d’ayant droit au sens de la Sécurité sociale.

De ce fait, elles peuvent agir sur le terrain du droit commun et demander la réparation de leur préjudice résultant de cet accident de travail auprès de la commission des victimes d’infractions puisque l’accident du travail de la victime était bien qualifié comme tel.


Cour de cassation, 2e chambre civile, 23 mai 2019, n° 18-17.033 (n’ont pas la qualité d’ayant droit et peuvent donc agir sur le terrain du droit commun, l’épouse et la fille d’une victime d’un accident de travail non décédée et qui ne bénéficient par ailleurs d’aucune prise en charge du fait de cet accident)