Champs électromagnétiques : l’ANSES s’interroge sur les effets délétères des coexpositions
Temps de lecture : 4 min
Dans un avis publié à l’été 2023 relatif à l’exposition des personnes et des travailleurs aux champs électromagnétiques, l’ANSES plaide d’une part pour une prise en compte des effets auditifs des radiofréquences et souligne d’autre part la nécessité d’évaluer les risques en cas de coexposition dans les situations de travail.
Ce rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) fait suite à une saisine de la Direction générale de la santé et la Direction générale de la prévention des risques au regard de la publications des dernières « lignes directrices » de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP).
Les valeurs limites d’exposition aux champs électromagnétiques, pour la population générale mais aussi pour les travailleurs, sont établies dans les textes européens et français sur la base des propositions de l’ICNIRP depuis 1998. Ces lignes directrices ayant évolué, l’ANSES a été sollicitée pour une expertise collective afin de rendre un avis sur la construction des valeurs limites par la Commission européenne.
Des valeurs limites d’exposition plus élevées pour les travailleurs
La commission internationale propose des valeurs distinctes pour la population générale et pour les travailleurs : les valeurs limites conseillées pour la population générale sont plus basses. Elle estime que les travailleurs sont des adultes exposés dans des conditions maîtrisées, formés aux risques potentiels liés aux champs électromagnétiques et aux mesures de protection. La population générale est composée de personnes de tous âges, qui ne connaissent pas leur exposition et les risques associés.
Un « coefficient de sécurité », utilisé pour l’établissement de ces valeurs limites, est appliqué en fonction de la population considérée. Pour la population générale, un facteur de sécurité de 50 est appliqué ; pour les travailleurs, le facteur de sécurité est de 10. « Ces facteurs, dont les valeurs ne sont pas argumentées, n’ont pas évolué depuis les premières publications de l’ICNIRP », observe l’ANSES.
Les effets auditifs supprimés des effets sur la santé
La restriction visant à éviter l’effet auditif provoqué par un champ pulsé n’est pas reprise dans les dernières lignes directrices, la commission considérant qu’il ne s’agit pas d’un effet néfaste sur la santé mais plutôt d’un effet sensoriel. Soulignant que l’effet sensoriel auditif lié à l’exposition aux radiofréquences est établi, l’ANSES rappelle « qu’une gêne répétée peut avoir des conséquences à court terme sur la sécurité, notamment dans certaines situations de travail, et à long terme sur la santé, notamment mentale ».
S’agissant des courants de contact, lesquels se produisent lorsqu'une personne touche un objet conducteur chargé électriquement sous l'action d'un champ électromagnétique, l’ANSES relève que les dernières recommandations ne fournissent plus de niveaux de référence contrairement à celles de 1998. La commission internionale donne désormais uniquement des « conseils » aux personnes responsables de la prévention des expositions professionnelles aux radiofréquences afin de limiter les risques associés aux courants de contact (formation des professionnels, mise à la terre d’objets métalliques, port de gants isolants, etc.).
Des situations de coexposition au travail
L’ANSES rappelle que les personnes évoluent dans des environnements aux sources d’exposition multiples. « Les effets biologiques qui résultent de l'exposition aux radiofréquences peuvent s'ajouter à ceux causés par d’autres types d’exposition (ambiances thermiques chaudes, efforts physiques, etc.) », pointe l’ANSES.
Les experts de l’ANSES notent que les méthodes d’évaluation des risques liés au travail en ambiances thermiques contraignantes ne prennent pas en compte l’accroissement potentiel de température interne lié à une exposition aux radiofréquences. « On peut donc s’interroger sur l’impact des effets thermiques liés aux expositions aux champs électromagnétiques en cas de coexposition », estiment-ils.
Vers de nouvelles valeurs limites ?
L’ANSES préconise de mener des études expérimentales et cliniques sur les effets possibles sur la santé de la coexposition aux radiofréquences et à des environnements thermiques élevés. Elle souligne l’importance de poursuivre la surveillance des expositions aux champs électromagnétiques et d’adapter les normes techniques de mesure de l’exposition à l’évolution des technologies.
L’agence précise que des travaux seront menés prochainement dans le cadre d’un groupe de travail spécifiquement constitué sur la construction de nouvelles valeurs limites d’exposition en France. Les effets à court terme des champs électromagnétiques sur la santé du travailleur sont les suivants :
- directs : échauffement des tissus biologiques, stimulation du système nerveux, effets sensoriels susceptibles d’avoir des conséquences sur la sécurité dans certaines situations de travail ;
- indirects : incendie ou explosion dus à une étincelle ou à un arc électrique, dysfonctionnement de dispositifs électroniques y compris les dispositifs médicaux, projection d’objets métalliquesn etc.
À ce jour, il n’existe pas de consensus scientifique concernant des effets à long terme dus à une exposition faible mais régulière.
Vous souhaitez passer des messages de prévention ? Découvrez les fiches prêtes à l’emploi des Editions Tissot pour organiser un quart d’heure sécurité notamment la fiche « Je travaille connecté : quid des radiofréquences ».
Rapport de l’Anses : https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2021SA0192.pdf
Les dernières recommandations de l’ICNIRP : https://www.icnirp.org/en/publications/article/rf-guidelines-2020.html
- Le dérèglement climatique n'est pas un risque professionnelPublié le 06/12/2023
- Portail numérique du document unique : enfin des précisions sur son avancement !Publié le 06/12/2023
- Prévenir la désinsertion professionnelle des salariés en Covid longPublié le 05/12/2023
- Compte professionnel de prévention : les salariés doivent être déclarésPublié le 29/11/2023
- Microplastiques : les dernières mesures adoptées par la commission européennePublié le 29/11/2023