Charge de travail et amplitude raisonnables : une obligation pesant sur l’employeur !
Temps de lecture : 4 min
La charge de travail d’un salarié est l’un des sujets les plus polémiques (et subjectif) en entreprise… Autres thématiques fortes, directement liées, l’amplitude horaire et l’aménagement du temps de travail peuvent aussi donner lieu à crispation. Qu’en est-il donc de la responsabilité de l’employeur lorsque charge de travail et amplitude sont considérées comme « déraisonnables » ?
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Essayer gratuitement pendant 30 joursJe me connecteForfait-jours, charge de travail et amplitude
Les salariés soumis au forfait jours bénéficient, nous le savons, de plusieurs mesures protectrices. L'employeur doit ainsi :
- s'assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
- si rien n’est prévu par accord, organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, « qui doit être raisonnable », l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et sa rémunération (Code du travail, art. L. 3121-65, dispositions supplétives).
A défaut, le juge n’hésite pas à annuler la convention de forfait-jours en cause…
Est-il également possible d’engager la responsabilité de l’employeur au titre du non-respect de son obligation de sécurité en invoquant une charge de travail non raisonnable ?
Pour mémoire, les fameux « PGP », Principes Généraux de Prévention, imposent en effet à tout employeur de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav., art. L. 4121-1). Et donc ?
Charge de travail et amplitude : obligation de sécurité de l’employeur
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 2 mars dernier, un salarié est engagé en qualité de médecin du travail en 2006.
En juin et juillet 2013, il adresse des courriels à sa hiérarchie, faisant état d’une dégradation de son état de santé et bénéficie d’une, puis de deux visites médicales auprès de son propre médecin du travail. Durant cet été-là, le salarié fait part de ses « idées noires ».
Il se trouve par la suite en arrêt de travail à partir de septembre puis fait l’objet d’une procédure d’inaptitude en février 2014, avant d’être licencié… et de saisir le juge.
La cour d’appel déclare nulle la convention de forfait puisque l'employeur n'a pas respecté « les conditions légales de mise en œuvre de la convention de forfait jours ». En revanche, elle ne donne pas suite à la demande du salarié – ex-médecin du travail – de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de l’employeur en raison de sa charge de travail et amplitude non raisonnables.
Il est vrai que la pénurie médicale à laquelle sont confrontés tous les services de santé au travail conduit immanquablement à augmenter le nombre de salariés suivis par chaque médecin du travail. En l’occurrence, ce médecin du travail faisait état d’un portefeuille de 2700 salariés (ce qui devrait donner lieu à quelques réactions envieuses aujourd’hui).
Pour se prononcer, la Cour de cassation va quant à elle tenir une position désormais bien connue… L’employeur n’est plus tenu d’une obligation de sécurité de résultat mais de moyens : sa responsabilité peut donc ne pas être retenue s’il a pris « toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Autrement dit, les mesures prévues par les fameux PGP !
Et dans notre affaire ? L’employeur ne justifiait pas avoir pris des dispositions pour « garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail ». Il n’a donc pas respecté son obligation de sécurité…
Au-delà de la surveillance aval de cette charge de travail, c’est bien toute la question de l’organisation du travail – en amont – qui est au cœur des débats ici.
A l’heure de la transformation du travail, de son « hybridation », gageons que les discussions sur la charge de travail seront nombreuses…
Cour de cassation, chambre sociale, 2 mars 2022, n° 20-16.683 (l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il méconnait cette obligation lorsqu’il ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié en forfait jours restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition du travail dans le temps)
Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …
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