Comment prouver le lien entre conditions de travail et troubles psychiques ?

Publié le 13/06/2023 à 11:52, modifié le 07/01/2025 à 09:22 dans Risques psychosociaux.

Temps de lecture : 3 min

La question de la reconnaissance du caractère professionnel des maladies psychiques est traitée de façon variée en Europe. Une récente étude d’EUROGIP permet d’analyser comment différents pays opèrent pour la reconnaissance de ces troubles, que ce soit comme accidents du travail ou comme maladies professionnelles.

Troubles psychiques et accidents du travail

Dans la majorité des pays européens, il faut qu’un événement inattendu, de courte durée et traumatisant soit à l’origine des troubles psychiques pour que ceux-ci soient reconnus comme conséquences d’un accident du travail.

Il s’agit souvent d’actes de violence à l’origine d’un choc psychologique ou d’un état de stress post-traumatique. Au Danemark, le guide d’aide à l’instruction de ces cas inclut d’autres exemples, comme l’accident sur une machine avec mise en danger de mort ou un pompier particulièrement menacé par un risque d’explosion.

En France, les troubles psychiques, reconnus en accidents du travail pour les salariés du régime général, ce qui exclut les agents des trois fonctions publiques, se concentrent sur trois secteurs d’activité :

  • le médico-social ;
  • le transport, plus particulièrement de voyageurs ;
  • et le commerce de détail.

Le suicide comme accident du travail

En raison du côté « volontaire » de l’acte, la qualification du suicide comme accident du travail varie selon les pays. L’Allemagne reconnaît peu de cas, dans lesquels les conditions de travail ont contribué de façon essentielle à cette décision. La Finlande en exclut toute reconnaissance.

L’Espagne et la Belgique recherchent une relation de cause à effet entre les conditions de travail et l’état de la victime, voire l’existence d’une force irrésistible pouvant exclure le caractère intentionnel et conscient.

En Italie, il faut que le suicide apparaisse comme la conséquence d’un fait générateur qualifiable d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

En France, le suicide est appréhendé comme un accident du travail classique :

  • s’il a lieu au temps et au lieu de travail, il est reconnu, sauf si l’employeur démontre une cause totalement étrangère au travail ;
  • sinon, les ayants droit doivent apporter la preuve du lien entre le décès et les conditions de travail.

Troubles psychiques et maladies professionnelles

Comme la santé mentale d’un salarié peut être affectée par des facteurs extra-professionnels, comment objectiver le lien de causalité entre l’exposition aux facteurs professionnels et une manifestation du type burn-out ?

Cinq pays d’Europe se démarquent par une approche plus protectrice : le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie et la Suède.

Leur procédure de reconnaissance définit les pathologies concernées ou les risques couverts et donne des directives ou des outils pour l’instruction, tels le guide pour les CRRMP utilisé en France.

La plupart des dossiers de reconnaissance en maladie professionnelle sont traités selon les modalités du système hors-liste : le salarié doit apporter des éléments de preuve conséquents.

Le saviez-vous ?
En Italie, les médecins qui font partie du comité de reconnaissance participent au rassemblement des éléments de preuve.

Ce système permet une réelle reconnaissance des troubles psychiques en maladie professionnelle. Ainsi, en France, 16 demandes pour 100 000 assurés ont été émises en 2021. La moitié des cas ont été reconnus en maladie professionnelle.

Les syndromes reconnus sont essentiellement des dépressions, des troubles de stress post-traumatique ou des troubles anxieux.

Les principaux facteurs d’exposition pris en compte sont les comportements hostiles de collègues, usagers ou supérieurs hiérarchiques, l’attribution de charges de travail excessives ou au contraire de travail vide de tâche. La France mentionne aussi la discordance manifeste entre les objectifs assignés et les moyens mis à disposition. Seule l’Italie circonscrit les facteurs d’exposition à prendre en compte aux incohérences dans le processus d’organisation de l’entreprise.

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Reconnaissance et prise en charge des troubles psychiques liés au travail en Europe, Eurogip, mai 2023

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Michaël Bouvard

Chargé de mission qualité de vie au travail

Chargé de mission qualité de vie au travail, j'oeuvre sur différents sujets relevant de ce domaine : prévention et évaluation des risques psychosociaux, prise en compte de la qualité de vie au …