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Constat alarmant du Sénat sur la prévention des risques au féminin

Publié le 06/09/2023 à 06:33 dans Risques professionnels.

Temps de lecture : 5 min

Dans un rapport intitulé « Santé des femmes au travail : des maux invisibles », la délégation aux droits des femmes du Sénat pointe la sous-estimation et la méconnaissance des risques professionnels chez les femmes. Le rapport formule 23 recommandations pour penser la santé au travail au féminin.

Le rapport adopté par le Sénat le 27 juin 2023 est le fruit du travail de cinq sénatrices de différents bords politiques, lesquelles ont auditionné et rencontré de nombreux experts. Premier constat, les atteintes à la santé liées au travail restent « largement méconnues et minimisées » s’agissant des femmes. Cette invisibilisation a pour corollaire d’importantes lacunes pour la prévention des risques professionnels mais aussi pour la réparation des atteintes à la santé.

Les sénatrices soulignent que les femmes sont majoritairement exposées à des risques invisibles et silencieux liés à une usure physique et psychique, alors que les hommes sont davantage exposés à des dangers visibles engageant le pronostic vital comme des accidents du travail ou l’amiante. « Les femmes sont davantage affectées à des tâches dites plus fines mais qui, par leur répétition, leur rythme ou les contraintes professionnelles dans lesquelles elles sont effectuées, peuvent être très usantes », précisent-elles.

Si les statistiques sexuées demeurent parcellaires, contribuant ainsi à cette invisibilisation des risques professionnels au féminin, les rapporteures rappellent quelques données :

  • 60 % des personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques sont des femmes ;
  • 3 fois plus de signalements de souffrance psychique chez les femmes ;
  • 20 % des femmes ont subi des violences (agression, harcèlement, violences sexistes et sexuelles) dans le cadre du travail au cours de l’année écoulée.

Une prévention pensée pour les travailleurs masculins

La prévention des risques professionnels a été d’abord pensée pour des travailleurs masculins. Les postes de travail et l’organisation spatiale sont souvent élaborés pour un homme de taille moyenne et s’avèrent inadaptés à la morphologie et aux caractéristiques anthropométriques et physiologiques des femmes.

Les références anthropométriques pour les équipements de protection individuelles (EPI) sont aussi basées sur un « homme moyen », sans prise en compte des caractéristiques féminines. Par exemple, des gants de protection trop grands peuvent accroître chez les femmes les risques de troubles musculo-squelettiques en raison des efforts de serrage plus importants demandés pour maintenir le gant et pour maintenir le colis ou les objets transportés.

Les employeurs « apparaissent réticents à adopter une approche genrée en matière de santé au travail », alors que cette approche est pourtant prévue depuis 2014 pour le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). La crainte de « discrimination et de stigmatisation » peut aussi exister chez des salariées, lesquelles ne souhaitent pas inciter les employeurs à tenir compte de leur singularité.

Des politiques de réparation moins efficaces pour les femmes

Dans l’imaginaire collectif, la pénibilité concernerait essentiellement le travail des hommes tandis que la pénibilité féminine reste considérée comme moins dangereuse. Les auteures du rapport estiment que les politiques publiques de prévention et réparation, en particulier la définition de critères de pénibilité et de qualification des maladies professionnelles (MP), suivent cette logique.

Seulement 23 % des personnes concernées par le compte personnel de prévention (C2P) sont des femmes. Les tableaux de MP ont été pensés à l’origine au masculin, pour les secteurs des mines, de la chimie ou du BTP, et non pour les secteurs du soin ou du nettoyage dans lesquels les risques sont toujours « banalisés ». De nombreux métiers féminins, ouvrières, infirmières, aides-soignantes et aides à domicile, sont pourtant exposés à un port répétitif de charges dépassant la norme autorisée de 25 kg.

Les cancers professionnels des femmes sont aussi ignorés, comme les cancers du sein en lien avec le travail de nuit ou les risques cancérogènes associés aux activités de soin et de nettoyage. Ce n’est qu’en février 2023 qu’une infirmière ayant travaillé 28 ans de nuit à l’hôpital a obtenu la reconnaissance de son cancer du sein comme maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP).

Des recommandations au prisme du genre

Sur la base de constats argumentés et sourcés, les auteures formulent 23 recommandations autour de trois grands axes : chausser systématiquement les lunettes du genre ; développer et adapter la prévention à destination des femmes ; mieux prendre en compte la santé sexuelle et reproductive au travail, en particulier les pathologies menstruelles incapacitantes et les symptômes ménopausiques.

Parmi leurs recommandations, on peut notamment citer :

  • développer l’élaboration et l’exploitation de données sexuées croisées ;
  • faire de l’approche genrée un axe stratégique du prochain plan de santé au travail ;
  • faire appliquer par les employeurs l’obligation légale d’un DUERP genré ;
  • former tous les acteurs de la prévention à une approche genré ;
  • adapter les mesures de prévention primaire et secondaire aux conditions de travail des femmes ;
  • faciliter la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie professionnelle ;
  • revoir la liste des critères de pénibilité.

Pour agir et prévenir les risques les Editions Tissot vous proposent des fiches prêtes à l’emploi pour organiser un quart d’heure sécurité sur des thèmes tels que « J’effectue des gestes contraints ou répétitifs », « Je manutentionne des charges », « je travaille accroupi ou à genoux » ou encore « mon gant me protège-t-il ? ».


Sénat, rapport d'information n° 780 (2022-2023), tome I, déposé le 27 juin 2023, Santé des femmes au travail : des maux invisibles - Le rapport