Contentieux AT-MP : les moyens de contourner la forclusion

Publié le 24/04/2019 à 07:17 dans Accident du travail.

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Les employeurs désirant contester le bien-fondé d’une décision rendue par une caisse primaire en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle disposent d’un délai de deux mois pour engager un recours, sous peine de forclusion. Mais les moyens pour la contourner sont nombreux.

La contestation des décisions de prise en charge AT-MP ou d’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle est enfermée dans un délai de deux mois, sous peine de forclusion.

De plus en plus saisies de cette question, les juridictions de Sécurité sociale, sous le contrôle de la Cour de cassation, ont eu l’occasion de préciser les contours de cette obligation.

Mention irrégulière des délais et voies de recours

Depuis un arrêt du 21 septembre 2017, la Cour de cassation a déclaré recevable l’action d’un employeur en contestation du taux d’IPP attribué à son salarié, alors que celle-ci est engagée plus de deux mois après la notification de rente par la CPAM (Cass. 2eciv., 21 septembre 2017, n° 16-21.344).

Le moyen permettant de lever de la forclusion réside dans le fait que, sur la notification, la caisse primaire mentionnait un tribunal territorialement incompétent pour connaître d’un éventuel litige.

Cette erreur trouve son origine dans le fait que la notification a été faite auprès de l’établissement de rattachement du salarié et non en tenant compte du siège social de l’entreprise.

Or, en l’espèce, siège social et établissement ne se trouvaient pas dans le même ressort.

Rappelant que le tribunal du contentieux de l’incapacité compétent était celui dans le ressort duquel se trouve le domicile de l’employeur (CSS. art. R. 143-3), et que ce domicile s’entend du seul siège social de l’entreprise (pourvoi n° 13-20145), la Haute Cour estime donc irrégulière la notification, de sorte que celle-ci n’a pu faire courir le délai de forclusion.

Cette position a depuis été largement confirmée.

Exemple : Cass. 2e civ, 25 janvier 2018, n° 16-22.676 – Cass. 2e civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.266 – Cass. 2e civ., 14 février 2019, n° 18-11.520.

La solution serait toutefois différente dans l’hypothèse où siège social et établissement relèveraient du ressort de la même juridiction. A titre d’illustration, la Cour de cassation a écarté l’argument consistant à reprocher à la CPAM d’avoir notifié sa décision à l’établissement situé dans le même ressort géographique que le siège de l’entreprise (Cass. 2e civ., 29 novembre 2018, n° 17-22.590).

Mais le caractère régulier ou non de la notification s’apprécie in concreto.

Ainsi, dans un arrêt publié au bulletin, la Haute Cour a rejeté la contestation d’un employeur, visant à contourner la forclusion de son recours. A l’appui de sa demande, il soutenait, d’une part, que la mention des délais et voies de recours reportées sur la notification litigieuse ne précisait pas que ceux-ci étaient prévus à peine de forclusion et, d’autre part, que la qualité du signataire de la décision n’était pas établie (Cass. 2e civ., 30 novembre 2017, n° 16-25.309).

La Cour de cassation rejette le pourvoi, rappelant qu’aucune de ces deux mentions n’était exigée par les textes.

Insuffisance de motivation de la décision... à la supposer établie

D’autres arguments ont également été évoqués, s’inspirant de l’obligation de motivation incombant aux caisses primaires dans les décisions qu’elles notifient aux employeurs.

Il s’agissait initialement de soutenir que l’insuffisance de la décision notifiée emportait l’inopposabilité de la décision litigieuse.

A cela, la Cour de cassation a répondu par la négative, précisant toutefois que l’insuffisance de motivation, à la supposer établie, permettait simplement à l’employeur de contester sans délai.

Exemple : Cass. 2e civ., 12 mars 2015, n° 13-25.599 (contentieux général) – Cass. 2e civ., 9 novembre 2017, n° 16-21.793 (contentieux technique).

A ce jour, la Haute Cour n’a toutefois jamais établi l’insuffisance de motivation d’une décision de caisse primaire.

D’autres arguments non encore soumis à l’appréciation de la Haute Cour

Il existe évidemment d’autres arguments permettant de contourner la forclusion, mais ceux-ci n’ont, pour la plupart, pas encore été soumis à l’appréciation de la Cour de cassation.

La question de la contestation sans délai de ces décisions est délicate et épineuse car elle remet en cause le principe de sécurité juridique mais également, par voie de conséquences, l’équilibre financier de la branche AT/MP.

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Julien Langlade

Expert en gestion des risques professionnels

Titulaire d’un DESS DIA, et expert en droit de la Sécurité sociale, j’interviens depuis plus de douze années dans le domaine des risques professionnels.

Après de longues expériences en cabinets, …