Contestation d’inaptitude et recours au médecin expert : ce n’est pas automatique !

Publié le 11/11/2020 à 09:00 dans Accident du travail.

Temps de lecture : 5 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Les avis médicaux du médecin du travail sont susceptibles de faire l’objet d’une contestation devant le conseil de prud’hommes. En 2017, la saisine du conseil de prud’hommes entraînait la désignation d’un médecin expert. Mais cette désignation était-elle de droit pour la personne qui contestait l’avis ?

Contestation des avis médicaux : rappel

Dans le cadre du suivi en santé au travail, le salarié peut être déclaré inapte à son poste. A défaut, et depuis 2016, le salarié est réputé être apte.

Que l’avis médical soit une aptitude ou une inaptitude, si l’employeur et/ou le salarié ne sont pas d’accord avec cet avis, la loi leur donne la possibilité de le contester selon une procédure particulière qui a fait l’objet de plusieurs réformes successives.

Avant 2017, la procédure de contestation des avis médicaux était portée devant l’inspection du travail dans les 2 mois suivant l’avis.

Entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018, et à la condition que la contestation porte sur les éléments médicaux justifiant l’avis, c’est le conseil des prud’hommes qui devait être saisi en référé, dans les 15 jours suivant l’avis, d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. Le médecin-expert pouvait demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié. Il pouvait aussi entendre le médecin du travail. Quant à la commission de référé, après avoir désigné le médecin-expert, elle pouvait charger un médecin inspecteur du travail d’une consultation relative à la contestation.

A compter du 1er janvier 2018, la procédure de contestation des avis du médecin du travail est à nouveau modifiée. Pour approfondir à ce sujet vous pouvez lire l’article « Procédure de contestation des avis d’aptitude: changement au 1er janvier 2018 ».

Sous l’empire de la procédure de contestation applicable en 2017, se posait la question de savoir si la désignation d’un médecin expert était de droit pour la partie qui conteste l’avis. La Cour de cassation s’est prononcée à ce sujet.

Contestation d’inaptitude : pas de droit acquis à voir désigner un médecin expert

La désignation d’un médecin-expert n’est pas de droit. C’est en ce sens qu’a tranché la Cour de cassation dans un arrêt du 3 juin dernier.

Dans cette affaire, une salariée de la division fret charbon acier DFCA a été placée en arrêt maladie à compter du 13 juin 2016.

Lors de sa visite de reprise auprès du médecin du travail, la salariée a été déclarée « inapte/reprise hors DFCA, peut aller à Somain pendant 2 semaines pour organiser son poste à l'EIM (son poste est supprimé)”.

Puis au cours d’une seconde visite, le médecin du travail a précisé que la salariée était « apte à toutes les entités hors DFCA ».

Une troisième visite organisée à la demande de l'employeur, a conduit le médecin du travail à préciser que la salariée était « inapte DFCA , apte aux autres entités ».
L'employeur, mécontent de cette décision, a saisi la formation des référés du conseil des prud'hommes d'une contestation du troisième avis et a demandé la désignation d'un médecin-expert.

L’employeur a été débouté en appel notamment en ce qui concerne la désignation d'un médecin-expert, lequel avait été sollicité pour qu'il se prononce sur l'aptitude de la salariée, sur les restrictions éventuelles temporaires et sur leur durée. La cour d’appel a jugé à cet effet que l’article 232 du Code de procédure civile ne l’obligeait pas de désigner un expert.

L’article 232 du Code de procédure civile précise que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ».

L’employeur a alors formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel. A l’appui de ce pourvoi, il a notamment argumenté que la désignation d'un médecin-expert est de droit pour l'employeur qui, en application de l'article L. 4624-7 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 20 décembre 2017, conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail.

Mais ces arguments n’ont pas été entendus par les Hauts Magistrats. Ces derniers ont rejeté le pourvoi au motif que la cour d'appel a examiné la contestation relative au troisième avis médical dont elle était saisie. Qu’ensuite, la formation de référé du conseil de prud'hommes, saisie d'une demande de désignation d'un médecin expert, dans les conditions prévues par l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 20 décembre 2017, n'est pas tenue d'accueillir cette demande en application des règles du Code de procédure civile.

Notez-le
Cette décision, à notre connaissance inédite, n’est applicable que pour les faits qui se sont déroulés sur l’année 2017, puisque les avis émis à compter du 1er janvier 2018 bénéficient d’une procédure à nouveau aménagée faisant du recours au médecin expert une faculté décidée par le conseil de prud’hommes...


Cour de cassation, chambre sociale, 3 juin 2020, n° 18-21.952 (la désignation d’un médecin expert attachée à la contestation par l’employeur d’un avis d’inaptitude n’est pas un droit. Le conseil de prud’hommes peut refuser une telle désignation)

Audrey Gillard

Juriste droit social