Contestation de la longueur d’arrêt AT/MP : décision ubuesque de la Cour de cassation
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Le contentieux lié à la longueur de l’arrêt de travail AT/MP n’est pas nouveau. Son fondement repose sur le fait que, si l’employeur finance l’indemnisation des salariés par le biais de son taux de cotisations, il ne doit supporter que le coût des seules prestations en lien direct avec le sinistre originel.
Longueur d’arrêt AT/MP : contentieux qui évolue
Cet important contentieux a connu des évolutions importantes, en ce que les demandes d’expertises, préalable indispensable à la démonstration d’un arrêt prescrit sans lien avec le travail, étaient de plus en plus difficiles à obtenir devant les juridictions.
La raison de ces difficultés est simple et tient en quelques mots : la présomption d’imputabilité.
En effet, dès lors que le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie est reconnu, les prestations servies consécutivement sont présumées imputables au travail. La seule possibilité pour l’employeur de renverser cette présomption, qui n’est pas irréfragable, est alors de démontrer que l’origine de la lésion est totalement étrangère au travail.
Mais par un arrêt de 2018, la Cour de cassation avait rappelé que cette présomption ne s’appliquait qu’à la condition pour la caisse primaire de démontrer l’existence d’une continuité de soins et de symptômes.
Cette preuve préalable est donc exigée, à peine d’inopposabilité à l’égard de l’employeur des prestations servies à l’assuré.
De nombreuses décisions ont donc été rendues en ce sens, dans des affaires où la caisse primaire échouait à démontrer la continuité de soins et de symptômes, soit par défaut de transmission des certificats médicaux délivrés au salarié soit par une transmission incomplète.
C’est justement l’espèce qui avait été tranchée par la cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 4 avril 2019.
En l’espèce, la caisse primaire ne produisait pas l’intégralité des certificats médicaux de prolongation et s’était contentée de transmettre, en complément, l’attestation de paiement des indemnités journalières sur la période litigieuse.
Estimant que la caisse ne la mettait pas en mesure de vérifier l’existence d’une continuité de soins et de symptômes, la cour avait sanctionné la caisse.
Saisie sur pourvoi de l’organisme, la Haute Cour vient de rendre son arrêt.
Longueur d’arrêt AT/MP : une position critiquable à bien des égards
Et dire que cette décision interpelle est un euphémisme.
Au terme d’une motivation brève, la Cour de cassation semble considérer que la production par la caisse de l’attestation de versement d’indemnités journalières au salarié est suffisante pour démontrer la continuité de soins et de symptômes.
A bien des égards, cette décision est critiquable.
Tout d’abord, parce qu’il ne s’agit là que d’un document comptable confirmant simplement l’existence d’indemnités journalières, sans permettre de vérifier à quoi celles-ci se rapportent. Ce document ne comportant aucune information sur la situation médicale du salarié, il ne permet aucunement de vérifier l’évolution des soins et symptômes.
Par ailleurs, en accordant une valeur probante à ce document, le mécanisme est biaisé et l’égalité des armes fortement menacée.
En effet, la caisse doit rapporter la preuve de la continuité de soins et de symptômes, en conséquence de laquelle la présomption d’imputabilité s’appliquera et, in fine, le salarié bénéficiera d’une indemnisation. Mais celle-ci n’en est donc que la conséquence financière.
En considérant que ce document serait suffisant, la Cour de cassation permet donc à la CPAM de démontrer l’origine (continuité de soins et de symptômes préalable) par sa conséquence (indemnisation du salarié).
Enfin, la continuité doit être démontrée au regard des prescriptions et non de l’indemnisation. La différence est subtile mais déterminante en matière de financement des risques professionnels.
C’est en effet la seule prescription qui permet de valoriser chaque accident ou maladie entrant dans le calcul du taux de cotisations de l’employeur. L’indemnisation n’est jamais prise en considération.
Là encore, le raisonnement de la Haute Cour est surprenant puisqu’il autorise la caisse à démontrer l’existence d’une continuité de prescriptions par l’existence d’une indemnisation.
Compte tenu de ces critiques, le traitement de l’affaire par la Cour de renvoi de Versailles, autrement composée, sera scruté avec intérêt.
Pour en savoir plus sur le taux de cotisations d’accident du travail à appliquer sur les salaires et la manière de le contester, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation et jurisprudence en santé sécurité au travail ».
Cour de cassation, deuxième chambre civile, 09 juillet 2020, n° 19-17.626 (Une attestation de paiement des indemnités journalières versée par la CPAM permet de démontrer l’existence d’une continuité de soins et de symptômes)
Expert en gestion des risques professionnels
Titulaire d’un DESS DIA, et expert en droit de la Sécurité sociale, j’interviens depuis plus de douze années dans le domaine des risques professionnels.
Après de longues expériences en cabinets, …
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