Covid-19 et risques professionnels : l’Académie nationale de médecine présente ses recommandations

Publié le 08/04/2020 à 08:04 dans Risques professionnels.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Alors que le Président de la République et la ministre du Travail ont encouragé les travailleurs qui le pouvaient à poursuivre leur activité professionnelle, la question de la santé et de la sécurité des salariés prend une autre dimension dans le contexte exceptionnel que traverse la France. L’Académie nationale de médecine vient de faire part de ses recommandations sur le sujet.

Dans cette période de confinement inédite, un sujet semble étrangement oublié : celui de la gestion des risques professionnels dans l’entreprise.

Le 23 mars dernier, Olivier Véran, ministre de la Santé, déclarait que l’ensemble des contaminations lié à l’exercice d’une activité professionnelle ferait l’objet d’une prise en charge au titre de la maladie professionnelle.

Or, d’une part, cette affirmation est hasardeuse, en ce qu’on ne comprend pas pourquoi un tel événement relèverait plus de la maladie professionnelle que de l’accident.

Notez-le
Une confusion s’opère souvent entre ces deux notions distinctes, selon que l’événement génère une lésion ou une affection (ce qui est le cas pour le Coronavirus). Dans le premier cas, on évoquera plus facilement un accident du travail alors que le second renverra à l’existence d’une maladie professionnelle.

D’autre part, le système actuel de reconnaissance des accidents et maladies professionnels rend une telle démarche difficile.

L’injustice est palpable. La rigidité des textes actuels pourrait en effet priver d’une reconnaissance unanime celles et ceux qui s’exposent chaque jour.

Mais c’est malheureusement un fait : la contamination au Coronavirus peut survenir dans le cadre de la vie privée ou de la vie professionnelle. Et si la preuve du caractère professionnel de celle-ci incombe à l’assuré, elle semble en l’espèce difficile, pour ne pas dire impossible, à rapporter.

Face à cette situation, l’Académie de médecine a fait part de ses recommandations.

Vers un élargissement de la présomption

S’agissant des contaminations au Coronavirus, l’Académie préconise que ces affections soient prises en charge au titre de la législation professionnelle pour « l’ensemble des personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays ».

Elle estime qu’en attendant l’instauration d’un nouveau tableau de maladie professionnelle ad hoc, ces événements devront être pris au titre de l’accident du travail.

A l’instar du burn out, l’Académie nationale de médecine s’est donc prononcée sur le sujet du Coronavirus, à cette différence près que cette fois-ci, elle s’immisce dans le débat médico-juridique et ne se contente pas d’émettre un avis médical.

Cette position peut surprendre, d’autant qu’à l’instar des débats sur le burn out, la mise en place d’un tableau de maladie professionnelle semble utopique, compte tenu de l’origine multifactorielle de la contamination.

Un risque d’inégalité entre les salariés

Par ailleurs, l’Académie préconise de limiter ces mesures aux seules personnes travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays. Si elle n’en donne évidemment pas de liste exhaustive, la rédaction d’un texte prévoyant un tel régime serait probablement un casse-tête sans nom.

Car de fait, une telle situation créera des inégalités entre les salariés.

Enfin, un autre risque de déséquilibre se lit en filigrane du communiqué de presse de l’Académie, qui évoque la prise en charge au titre de la législation professionnelle des salariés ayant subi « des conséquences graves du fait du Covid-19 ».

Là encore, on peut difficilement envisager que deux régimes s’appliquent selon la gravité des lésions présentées par le salarié déclarant.

Cette question de l’éventuelle inégalité créée par une mesure se voulant « favorable » avait d’ailleurs empêché l’abaissement du taux d’IPP plancher permettant l’instruction d’une maladie non désignée dans un tableau.

Lors des débats portant sur la loi sur le dialogue social (2015), un amendement avait proposé d’abaisser ce taux à 10 % pour les pathologies psychiques. Le ministre du Travail de l’époque, monsieur Rebsamen, s’y était alors opposé car une telle mesure créerait inévitablement une inégalité entre salariés.

Notez-le
Le taux d’IPP plancher pour le traitement des dossiers de maladie professionnelle hors tableau est aujourd’hui fixé à 25 % par l’article R. 461-8 du Code de la Sécurité sociale.

Il ne faut toutefois pas oublier un élément déterminant : l’état d’urgence sanitaire a été déclaré jusqu’au 24 mai 2020. Les multiples ordonnances déjà parues attestent du caractère extraordinaire du moment.

Dans ce contexte, un texte pourrait parfaitement emprunter la voie des recommandations de l’Académie de médecine, l’inégalité naissant de cette mesure se fondant aisément dans un devoir général de reconnaissance nationale.

La seule inconnue résiderait alors dans le financement de ces mesures, qui pourrait par exemple être partagé entre employeurs et État, sous forme de fond spécifique.

Covid-19 et santé au travail, communiqué de l’Académie nationale de médecine


Académie nationale de médecine, communiqué de presse « Covid-19 et santé au travail », 3 avril 2020

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Julien Langlade

Expert en gestion des risques professionnels

Titulaire d’un DESS DIA, et expert en droit de la Sécurité sociale, j’interviens depuis plus de douze années dans le domaine des risques professionnels.

Après de longues expériences en cabinets, …