Date de première constatation médicale : le médecin conseil tout puissant ?

Publié le 28/06/2023 à 08:58 dans Maladie professionnelle.

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Toute maladie déclarée doit avoir fait l’objet d’une constatation médicale dans le délai prévu au tableau la concernant. Une date de première constatation médicale au-delà du délai prévu empêche ainsi une reconnaissance classique, nécessitant l’avis d’un CRRMP avant toute possibilité de prise en charge. Mais quel formalisme doit recouvrir cette première constatation médicale ? Le médecin conseil de la caisse primaire a-t-il tout pouvoir pour la fixer ?

Formalisme de la première constatation médicale

Le délai de prise en charge a été déterminé par des médecins qui ont estimé que, constatée au plus tard pendant tel délai, l’affection pouvait être rattachée de manière vraisemblable à l’activité professionnelle. Par voie de conséquence, la constatation médicale effectuée après l’expiration du délai ne permet plus le rattachement à l’activité professionnelle.

Si la première constatation médicale n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat accompagnant la déclaration de maladie, il n’en demeure pas moins qu’une constatation médicale des troubles en lien avec l’affection déclarée est nécessaire.

Le droit positif a toujours considéré qu’en principe, la date de première constatation médicale était celle de l’établissement du certificat médical initial accompagnant la déclaration de maladie professionnelle. Que seule l’existence d’une pièce médicale pouvait justifier de retenir une date différente.

Ainsi la preuve de la constatation médicale dans le délai doit ressortir d’un document établi dans ce délai, ou antérieurement, même si ce document est informel, pourvu qu’il constate des troubles ou des lésions correspondant à la maladie déclarée, même si leur identification n’est intervenue que postérieurement.

Logiquement, lorsque la caisse retenait une date de première constatation médicale différente de celle du certificat médical initial, elle devait permettre à l’employeur de vérifier, lors de la consultation du dossier, ce que recouvrait cette date afin de respecter ce que l’on appelle le principe du contradictoire à l’égard de l’employeur.

La simple mention d’une prétendue constatation médicale de la maladie à une date différente par le médecin conseil ne pouvait en effet suffire.

Mais la Cour de cassation semble avoir explicitement changé son fusil d’épaule.

Un médecin conseil intouchable ?

Le 8 avril 2021, la cour d’appel de Versailles avait estimé, conformément au droit positif, que la seule mention d’un arrêt de travail par le médecin conseil ne pouvait suffire à retenir une date de première constatation médicale différente du certificat médical initial.

Qu’en effet, la Caisse mettait la société et la cour dans l’impossibilité de vérifier que cette date puisse effectivement être considérée comme la date de première constatation de la pathologie.

Qu’il ne faisait d’ailleurs aucun sens de s’appuyer sur le secret médical pour refuser la communication du certificat médical qui aurait servi de base à l’arrêt de travail, si celui-ci était justifié, précisément, par la pathologie objet du litige puisque l’employeur en a, par définition, connaissance.

Cette décision est totalement cohérente dans la mesure où un arrêt de travail peut être ordonné pour diverses raisons médicales et qu’il appartenait au médecin conseil d’apporter les précisions nécessaires, ou à défaut, à la Caisse de les solliciter.

D’autant qu’en l’espèce, la salariée avait déclaré deux pathologies (épicondylite bilatérale), qui pouvaient, chacune, justifier un arrêt de travail et, chacune, être prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Or, absolument rien ne permettait de savoir si l’arrêt de travail indiqué par le médecin conseil était imputable à l’une ou à l’autre de ces pathologies ou aux deux.

La Cour de cassation a toutefois considéré que la cour d’appel ne pouvait retenir que le délai de prise en charge n’était pas respecté en l’espèce dans la mesure où le médecin conseil avait retenu une date de première constatation médicale conforme au délai prévu, sur la base d’un arrêt de travail.

En conséquence, il appartient au médecin conseil de fixer une date de première constatation médicale sans nécessité de produire le document médical sur lequel il s’est basé, même dans le cadre d’une action en justice.

Ainsi, par cette décision, la Cour de cassation donne un rôle intouchable au médecin conseil, dont l’avis est incontestable et invérifiable.

Le fait qu’il s’agisse d’un élément qui fait extrêmement grief à l’employeur n’est malheureusement pas un élément recevable face au principe sacré du secret médical.


Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 mai 2023, n° 21-17.788 (la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil)

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Aurore Joly-Aulon

Juriste spécialisée en droit de la protection sociale, Aurore a rapidement pris la responsabilité d’un service juridique au sein du Groupe CRIT. En charge des contentieux liés aux accidents du …